Très chère Louise au Musée de Picardie

Par Marie Gayet17 octobre 2025In Revue #35, Articles, 2025

 

 

A l’occasion d’une résidence au Musée de Picardie, Lise Terdjman s’est penchée sur les archives du legs de l’artiste Albert Maignan, le mari de Louise Larivière (1854-1947). Elle en a conçu une exposition autour de la figure de l’épouse méconnue, où se déploie dans trois salles du musée un corpus d’œuvres, imbriquant passé, présent, intime, public, réel et fiction. Louise existe et Lise s’adresse à elle.

 

« Peu de traces de ta personne subsistent aujourd’hui » lit-on en ouverture de l’exposition. Suffisamment pour que l’artiste chercheuse y trouve matière à création. A commencer par cette lettre introductive où l’artiste nous renseigne sur qui fut Louise, et ce qu’elle fit pour organiser le legs du fonds d’atelier de son mari et de leur collection archéologique. Écho à la correspondance échangée entre Louise et le directeur du musée pendant les presque vingt années de l’organisation du legs après le décès du mari, la lettre entre dans le processus de fiction mis en place par l’artiste qui permet de rendre Louise vivante… et autorise même le tutoiement !

Les photographies sur plaques de verre d’époque constituent elles aussi des matrices dans le projet. Elles sont la base des dessins en noir et blanc de la série Images frappantes, où n’apparaissent que des fragments des objets de la collection, des parties ayant été recouvertes avec du blanc. Fantomatiques, à peine discernables, le procédé joue avec la mémoire émotionnelle et rappelle le brouillage sur le réel du négatif/positif photographique rétroéclairé. Si, dans l’entrée du musée – anciennement la galerie Maignan-Larivière où était exposée autrefois la collection – l’installation in situ Halluciner le legs, constituée en partie d’un long bandeau mural imprimé, montre les objets archéologiques, antiques ou médiévaux, c’est en creux, jamais présents comme tels. Les dessins au pastel de l’installation in situ dans la deuxième salle procèdent de la même manière. Détails de gestes de Louise, tissant ou lisant, repris des plaques de verre, ils sont simplement reliés par des traits tracés directement sur la cimaise, soulignant le caractère fragmentaire du portrait.

Il est dit que Louise était artiste pastelliste et brodeuse virtuose. Pourtant, seuls un coffret brodé et deux œuvres textiles lui sont connus et l’exposition est l’occasion de les montrer pour la première fois au public. Du coffret inspiré de la Renaissance, Lise Terdjman a extrait les mots et les a travaillés en installation et au pastel sur des grands formats. Bour/Rasques. Tour/Mentes, COL ERE, tempeste de l’âme, AM OUR tempeste du cœur, par-delà leur sens et leur portée sentimentale, la césure faite aux mots devient création d’une poésie contemporaine, dimension également présente dans la pratique de l’artiste.

Simple énumération des dénominations des objets tels que décrits sur l’inventaire, l’œuvre sonore à proximité des vitrines de la collection Maignan-Larivière montre que le langage est inventeur de formes. De même, Un tout petit objet portant un accessoire indéterminé, titre de la vidéo diffusée en bas des vitrines, introduit l’étrangeté du montage alternant les photographies anciennes des objets et la série entière des dessins d’Images frappantes. D’ailleurs, sans le titre, difficile de faire le lien entre la sculpture en céramique aux rubans et Louise. Malgré des portraits classiques la représentant, au milieu des marbres, des dorures, et un wall painting de Sol Lewitt, sa personne reste une énigme.

 

 

Infos pratiques

Lise Terdjman, Très chère Louise.
Jusqu’au 4 janvier 2026
Musée de Picardie, 2 rue Puvis de Chavannes, Amiens

 

 

 

 

 

 


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