Popline Fichot - Les Fulgurées

Par Laetitia Toulout15 novembre 2023In Articles, 2023

 

Dans son exposition Les Fulgurées, présentée aux Abattoirs, Musée – Frac Occitanie de Toulouse dans le cadre du Nouveau Printemps, l’artiste, née en 1999 à Paris, développe ses recherches autour de faits obscurs emprunts de mystères, issus de contre-cultures qui explorent les marges de la normalité.

« Je pense que tout part du mélange d’émotions ressenties face à un orage: beau, puissant et inquiétant. » (Popline Fichot)

Lorage qui gronde et l’éclair qui déchire le ciel de ses vifs et étincelants faisceaux lumineux engendrent systématiquement un radical changement dambiance et dhumeurs, entre fascination et peur. On oscille entre le désir de voir, de ressentir ce phénomène soudain et magnifique, et la crainte des conséquences – feux, vents violents, pluies et inondations. Lorage est radical, chamboulant de manière plus ou moins intense un environnement sur son passage. Cest ainsi que le coup de foudre signe un double sens : celui du phénomène météorologique dune part, celui dun sentiment amoureux dautre part, qui surgit de manière particulièrement soudaine.

Popline Fichot creuse dans nos manières dappréhender la foudre, pénètre nos possibilités de relations vis-à-vis de cette agitation atmosphérique. Plutôt que de sintéresser à laspect scientifique et rationnel du phénomène, elle propose dexplorer nos « émotions ressenties », en loccurrence ce rapport de fascination. Cest ce que mettent en scène ses œuvres : dun côté, une sculpture en tissu figure la foudre ; suspendue au plafond et touchant délicatement le sol, elle se déploie dune manière molle qui lui donne des airs confortables, donnant envie de la toucher, de la caresser. Elle rentre en dialogue avec une structure en acier dont les pics sont dirigés vers le ciel, afin de diriger la foudre vers le corps qui le porte et qui se voit ainsi traversé par l’électricité. Un orage quon a envie de toucher, une armature pour attirer la foudre au plus profond de soi… Des propositions qui peuvent paraître particulièrement antinomiques face au danger d’être foudroyé.

En vis-à-vis de ces sculptures, lexposition souvre sur une photographie sans âge dune femme dans un champ, qui soffre au contact des éclairs, dans un rituel qui paraît nappartenir qu’à elle.  Plus loin, une autre série montre des corps foudroyés, sur la peau desquels apparaissent des rhizomes provenant du contact physique avec les résultantes de lorage.

Tels les embranchements dun coup de foudre – dans le sens littéral du terme – lartiste suggère des histoires à partir de ses recherches autour de possibles fantasmes « keraunophiles », convoquant diverses références – notamment, Après la foudre, livre de Claire Fercak et Je suis un cyborg, film de Park Chan-wook – ou imaginant de possibles relations issues de « cette rencontre entre un phénomène naturel et un corps ».

Popline Fichot sintéresse ainsi à des pratiques anticonformistes, marginales et subversives au sein dune vision écoféministe qui met lhumain sur un même pied d’égalité que les éléments naturels. La nature nexiste pas, pourrait-on dire, puisquelle est déjà tout, y compris nous. Cest ce qui engendre cette possibilité damour, de contact tout à fait sensuel comme celui qui est décrypté ici avec Les Fulgurées.

 

Infos

Les Fulgurées dans le cadre du Nouveau Printemps

jusquau 12 novembre 2023

Abattoirs, Musée — Frac Occitanie (Toulouse)