Panorama 27 - Simultanéité
À l’occasion de cette vingt-septième édition de Panorama, le commissaire Dirk Snauwaert s’est vu remettre la grande responsabilité de faire se conjuguer ensemble pas moins d’une cinquantaine d’œuvres radicalement variées, conçues par les étudiants de première et deuxième année du Fresnoy – Studio national des arts contemporains. Malgré l’apparente hétérogénéité des propositions et des sujets, les thèmes génériques de la vie et de la mort transpirent et constituent une piste de lecture pour l’exposition dont on soulignera la qualité plastique.
Ainsi énoncée, cette lecture ressemblera à un raccourci, les thèmes de la vie et de la mort étant applicables à une large partie de la création artistique. Ces génériques sont cependant exploités ici avec un sel renouvelé, dans la lignée des grands thèmes et orgueils de l’humanité déjà incarnés : la vie éternelle, la divination, la météorologie, la guerre, la création, les spectres, les chimères, la nostalgie, le post-humanisme. Cette liste se veut non-exhaustive, et invite d’ores et déjà le lecteur à s’intéresser aux nombreux films produits pour l’occasion de l’exposition, qui englobent des sujets plus variés.
L’exposition débute par un prologue à résonance écologique. Hicham Berrada, artiste-professeur invité pour l’année 2024-2025 au Fresnoy, présente une installation où un dispositif d’Intelligence Artificielle, créé tout spécifiquement pour cette installation et nourri par ses images, interagit avec les données météorologiques extérieures captées en temps réel. Toutes les minutes, le paysage se modifie par de subtiles métamorphoses en fondu. Les précipités chimiques y apparaissent en cumulus ou en buisson, sans jamais reparaître : chaque composition de l’Intelligence Artificielle est unique et révolue au moindre changement.
À ses côtés, l’artiste Yue Cheng présente la temporalité du champignon dans le cadre hypothétique de la montée des eaux et de la crise de l’anthropocène. Au creux d’une serre en bulle se développe un écosystème en vase clos autour d’un spécimen de champignon dont les rythmiques internes sont retransmises en direct dans l’espace d’exposition. Les tapotements frénétiques ne sont pas réguliers, obligeant le curieux à prendre son mal en patience pour entendre battre la singulière mélodie du champignon.
En diptyque de ces deux productions est installée l’œuvre du duo In Vitro (Xiyue Hu, Xing Xiao) qui, par l’intermédiaire d’une figure humaine générée, développe un discours sur l’écologie des systèmes informatiques.
Cette introduction d’une écologie de l’Intelligence Artificielle annonce le cadre d’une exposition définitivement tournée vers l’humain et ses artifices.
L’artiste Nazif Can Akçali nous ouvre ainsi les portes d’un buffet garni aux goûts de l’immortalité, du moins telle est la quête visée. Suite à un voyage en zone bleu de Sardaigne – zone de concentration des personnalités centenaires – où l’artiste a collecté les secrets de grands-mères et les remèdes vieux comme le monde pour allonger l’espérance de vie, il a été question de trouver, grâce à l’Intelligence Artificielle, les recettes des mets à ingérer chaque jour pour espérer s’approcher de l’immortalité. Installés dans un laboratoire portatif, les mets sont présentés au spectateur, et dégustés dans un film documentaire par l’artiste et un acteur. Leurs visages stoïques, découpés sur un fond noir, trahissent la recherche de performance à défaut du goût suave de la vie.
La mise en scène est largement présente dans les œuvres exposées, et particulièrement outrancière dans l’œuvre de Harold Lechien. La météo est un prétexte aux dérives de la commentatrice, les séances chez un psychologue désincarné rendent fous et le pique-nique se partage en bruitages. Tout y est définitivement faux et absurde, et pourtant terriblement proche d’une certaine forme de réalité qui nous concerne. Les dialogues résonnent en creux, sans réponse probante à notre quête de sens.
Avec un sujet drastiquement plus sérieux, l’artiste Rachel Gutgarts introduit la question de la vie et du droit de donner la mort. À partir des archives récupérées par des professionnels de santé qui interrogeaient des snipers sur leurs ressentis, l’artiste rejoue la scène du praticien récoltant les réponses des patients en caméra infrarouge. Devant la vidéo, la maquette réaliste d’un temple israélien dévasté repose sur une table basse entre deux fauteuils aux airs de la chaise Wassily, sobre et épurée, comme le rendu des confessions, exportées, des snipers. Traduit en français, ce texte outrepasse en effet les non-dits de la langue israélienne puisqu’il est rendu en dehors du contexte culturel et social dont il provient.
En contrepoint, et presque comme une note finale qui donne à espérer, le film de Vinciane Despret et Lou Le Forban offre une porte pour l’imagination quand à la redoutable question de savoir où vont les morts. Avec force pédagogie, couleurs et mélodie, l’enfant protagoniste apprend à faire le deuil de sa grand-mère en conservant d’elle le souvenir le plus vivace par ses propres coutumes.
Dans une conférence à destination du jeune public qui clôtura le vernissage de l’exposition, la philosophe belge apaisait ainsi les craintes du manque en refermant la boucle : il fallait faire vivre les morts et impliquer les morts dans la vie. Panorama 27 permet d’explorer cet entre-deux, où les artistes font coexister fiction et réalité, souvenir et imagination. La prépondérance des nouvelles technologies – et de l’Intelligence Artificielle en particulier – offre par ailleurs de vastes possibilités de réponses aux questions de la vie en suspens.
Infos pratiques
Panorama 27 – Simultanéité
Du 19 septembre 2025 au 04 janvier 2026
Le Fresnoy – Studio national des arts contemporains
22 rue du Fresnoy
Tourcoing


























