Gothic Revival au Louvre-Lens

 

 

Avec plus de 250 œuvres, l’exposition Gothiques allant du XIIe au XXIe siècle souligne la longévité et les résurgences contemporaines de cet art. Annabelle Ténèze, directrice du musée et co-commissaire avec Dominique de Font-Réaux et Florian Meunier (musée du Louvre), revient sur les partis pris scénographiques du parcours qui, selon le plan d’une cathédrale, alterne approche chronologique et focus transhistoriques avec des incursions dans la musique et la danse, la couleur, le cinéma… tandis que des intérieurs gothiques sont reconstitués dans des period rooms.

 

Si d’autres expositions se sont penchées sur l’attrait que représente le Moyen Age aujourd’hui, ce panorama qui ouvre sur un véritable art de vivre goth est inédit. Des membres de la communautés goth ont d’ailleurs été associés à ce projet, comme les sœurs jumelles Thérèse et Christine Lipinski, ambassadrices de la culture goth dans les Hauts-de-France, qui travaillent par ailleurs à l’accueil du musée.

Marie de la Fresnaye : Quelles sont les caractéristiques du gothique ?

Annabelle Ténèze : Sa définition évoluant suivant les époques, nous voulions témoigner de toutes ses facettes. Le gothique incarne un imaginaire puissant, une virtuosité des formes et des techniques, un goût pour le symbolisme et le fantastique.

MDF : Quelles sources d’inspiration ?

AT : Cet attrait pour le fantastique naît avec les romans anglais du 18e siècle dont Mary Shelley est à l’origine avec son Frankenstein, avec cette idée retrouvée chez les Romantiques que les tourments de l’âme se jouent dans l’obscurité, la nuit, la tempête avec comme décor principal la ruine gothique (château ou abbaye). Il s’agit de se confronter au lointain, au monstre, au macabre avec par exemple la fascination pour la gargouille au Moyen Âge chez Victor Hugo ou Viollet le Duc, jusqu’à Batman avec Gotham City, la ville gothique contemporaine. L’architecture des gratte-ciels est elle aussi directement inspirée des églises gothiques.

MDF : Quels médiums sont présentés dans l’exposition ?

AT : Le gothique est à la fois un art de la lumière et de l’élévation mais aussi un art des petits objets, du décoratif. C’est un art total qui regroupe tous les médiums possibles : la sculpture, le dessin, l’architecture, le vitrail, la tapisserie, l’enluminure mais aussi le cinéma, la photographie, l’installation ou les jeux vidéo pour la partie contemporaine.

MDF : Pourquoi une telle survivance dans la contreculture ?

AT : La contreculture s’en saisit avec le retour du thème de l’Apocalypse à la fois médiéval, fantastique et sombre, et une réaction face aux crises qu’elle soient écologiques, sociétales, politiques. Le gothique sombre véhicule l’idée que l’on peut se comprendre et accepter sa différence. Cet héroïsme est porteur de valeurs émancipatrices d’acceptation de soi et de résistance face à ses peurs. Batman lui-même, qui est le superhéros Goth, est le superhéros le plus tourmenté. Il réalise son devoir dans l’adversité.

MDF : Quelle place donnée à l’art contemporain ?

AT : Une dizaine d’artistes contemporains ont été retenus. Je tenais à ce qu’ils s’inscrivent au croisement du gothique et du médiévalisme. Ils sont réunis dans une salle dédiée, en miroir avec le parcours chronologique, comme l’artiste Malo Chapuy qui, dans ses retables se confronte au Gothique international tout en y introduisant des détails anachroniques, ou Agathe Pitié qui, dans une grande enluminure rejoue « le sac de Rome par les Barbares » qui sont devenus les Goths ! Dans un registre plus large, la culture populaire contemporaine est évoquée dans le mood board final allant de Mylène Farmer à la série Wednesday sur Netflix.

 

 

Infos pratiques

Gothiques
Jusqu’ au 26 janvier 2026
Musée du Louvre-Lens
99 rue Paul Bert, Lens

 

 

 

 

 

 


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