GIGANTISME – ART ET INDUSTRIE A DUNKERQUE

Triennale hors norme déployée sur plus de 4000m² sur trois sites emblématiques de Dunkerque : le Frac Grand Large, la friche industrielle de la halle P2 et le Lieu d’Art et d’Action Contemporaine (LAAC), Gigantisme entend réévaluer la création française entre 1947 et 1989 (chute du mur de Berlin), souvent occultée face à la prédominance américaine. Cette 1ère édition qui ouvre le 4 mai, particulièrement ambitieuse s’inscrit avant tout dans une histoire du territoire.

Profondément marqué par les mutations d’après-guerre : Europe de l’acier et du charbon, utopie de l’ère industrielle, émergence d’un paysage nouveau, le patrimoine portuaire de Dunkerque est porteur d’un imaginaire puissant dont s’est saisi très tôt le fondateur du LAAC, Gilbert Delaine, capitaine d’industrie visionnaire qui attire de nombreux artistes auxquels il commande des projets grandioses. Cette utopie art et industrie, conceptualisée par la philosophe Géraldine Gourbe, commissaire avec Keren Detton, Sophie Warlop et Gregory Lang, se déroule en cinq temps : le paysage mental, à l’américaine, « space is a house » (ou la révolution domestique), écrans parallèles et points hauts points bas, à partir de 200 œuvres, installations in situ extérieures, commandes particulières, multipliant les perspectives, résonnances et parcours offerts aux visiteurs.

Parmi les projets emblématiques, Tania Mouraud, dans le cadre du chapitre 1, a conçu pour le site de Rubis Terminal, dans le port, un large diptyque noir et blanc à partir d’une citation de Shakespeare. Delphine Reist réactive la vocation de la HalleAP2 à partir de son installation lumineuse du pont roulant, Tatiana Trouvé se saisit du passé industriel de la filature avec des racks de bobines de cordage, Anita Molinero part du plastique et autres matériaux dérivés du pétrole pour dessiner des mondes fantasmagoriques, Carlos Bunga choisit le carton, à la fois précaire et indispensable aux échanges mondialisés, et enfin Arman et Bernar Venet (« Effondrement »), déjà présents grâce à l’action du LAAC.

Le chapitre 2 revient sur cette modernité française à partir des collections du LAAC et ce paradigme art et industrie, porté par les nouveaux réalistes (Claude Viallat, Gérard Deschamp…). L’automobile (Jean Dewasne et Tinguely, Arman et Bernar Venet), la ville (Takis, Morellet, Nicolas Schöffer), l’avènement des loisirs (Niki de Saint Phalle, Christo, Robert Malaval) participent à cette vision futuriste portée par une nouvelle sémantique et poétique (Jacques Villeglé, Matt Mullican, Vera Molnar, Isidore Isou ou Roland Sabatier).

Le 3ème chapitre explore en écho avec la collection du Frac Grand Large et sur les trois niveaux de son bâtiment symbolique signé Lacaton&Vassal, la sphère intime et l’apport du décoratif artistique français dans la modernité européenne et américaine, avec des artistes comme Daniel Buren, Yves Klein, Simon Hantaï, Bernard Pagès, Patrick Saytour, Pierrette Bloch.

Une réévaluation à l’origine de la naissance d’un courant minimaliste européen (Aurélie Nemours, Marcelle Cahn…) qui influence les designers (Pierre Paulin, Roger Tallon, Superstudio..), généralisant une sérialisation des pratiques et standardisation des intérieurs. Face à ce formatage domestique, une mise à distance s’opère par la dénonciation ou l’ironie, avec des artistes comme Michel Journiac, Daniel Spoerri, Alain Jacquet, Jacques Monory.

Le 4ème chapitre rejoue l’horizon cinématographique de Dunkerque et son imaginaire maritime et urbain à travers un programme de cinéma semi-permanent au LAAC, conçu par la critique et commissaire, Pascale Cassagnau, en partenariat avec le CNC*.

Le dernier volet propose des parcours permettant de mesurer par le regard ou l’écoute le gigantisme du territoire, à partir d’interventions d’artistes ou de chercheurs. Du toit de la Halle aux Sucres au Belvédère du Frac, de multiples passerelles et constellations se dessinent, ouvrant sur des prolongements inédits sur toute la région. Une utopie vibrante et fédératrice, locale et globale, industrielle et populaire, qui repense la place de l’art et de l’artiste dans un univers standardisé et saura toucher un large public.

*Centre National du Cinéma et de l’Image Animée

Par Marie de La Fresnaye


Infos :

Pôle d’art contemporain de Dunkerque 

FRAC Grand Large et Halle AP2

503 avenue des Bancs de Flandres

59 Dunkerque

du 4 mai au 5 janvier