FRANZ WEST, RÉTROSPECTIVE

Par Marie Gayet17 octobre 2018In Articles, 2018, Revue #20

Peut–on prendre au sérieux un artiste qui affirme dans sa biographie « Dans les années 1980, j’ai acquis une identité – celle de militant se battant pour l’émancipation du meuble» et qui propose de remplir la bouche de sculptures avec des détritus pour qu’elles aient « mauvaise haleine » ?

Après avoir parcouru l’exposition que lui consacre le Centre Pompidou, on peut sans hésiter répondre OUI ! Franz West, artiste autrichien né à Vienne (1947-2012), manie l’humour avec une pertinence jubilatoire et l’on comprend pourquoi il est considéré comme un artiste majeur des cinquante dernières années.

Ses Mutter Kunst ouvre le parcours chronologique, dessins au graphite sur petits formats, effectués vers seize ans à l’intention de sa mère (dentiste qui exerçait à domicile), pour lui montrer que l’inadapté scolaire qu’il était, renvoyé de tous les établissements, était capable de faire quelque chose.

Ses autres dessins, dans une veine érotique, en couleurs, montrent déjà son intérêt pour les postures corporelles.

Proche des cercles artistiques de Vienne, dès les années 70, il crée ses premières œuvres participatives, les « Passstücke » sorte de sculptures/prothèses, sans forme réelle, blanches,  que le public peut manipuler. Qualifiés par un critique de « mises en forme d’un état névrotique », ces objets indéterminés s’inscrivent dans une relation de la sculpture au corps et développent un potentiel performatif inédit.

Bien que contemporain des artistes activistes viennois, West s’est tenu éloigné de cette mouvance. Son art est plus libre, engagé différemment.  Esthétiquement, il se dit adepte de la laideur, allant jusqu’à détruire des pièces jugées trop belles. Ses sculptures, en papier mâché ou mélange de matière et d’objets, barbouillées de peinture, préfigurent le style trash de la scène californienne. Il peint sur du papier journal pour y recréer des nouvelles images. Les socles deviennent partie prenante de l’oeuvre, et mettent en question l’autonomie supposée de la sculpture. Le siège revient souvent, donnant lieu à des sculptures mobilier, sur lesquelles on peut s’asseoir, et montrées sous forme d’installations.

Les Cool Books, énormes poufs roses en métal, réalisés pour la 52ème Biennale de Venise et Auditorium, la série de canapés recouverts de tapis de la Documenta 9 sont devenus mythiques ! L’exposition met l’accent sur le caractère participatif des œuvres, tant du côté de l’artiste que attendu de la part du spectateur. 

Dès le début, son travail a été collaboratif, rempli d’amis artistes, poètes, musiciens. Une bande-son de ses goûts musicaux jalonne d’ailleurs l’exposition.

La dernière salle présente les maquettes de sculptures pour l’extérieur monumentales, elles aussi aux formes improbables, conçues de 2000 à 2010. Une invitation à sortir du musée et aller les « utiliser » en vrai et en plein air dans le hors les murs complémentaire à l’exposition, au Musée Picasso, au  Musée Cognac Jay et à la BHVP. Dehors et dedans, l’originalité irrévérencieuse de Franz West est à découvrir !

 

Par Marie Gayet


Infos :

Centre Pompidou

jusqu’au 10 décembre 2018