Mythes, contradictions et affranchissement

Mircea Cantor (né en 1977 à Oradea, Roumanie), lauréat 2011 du prix Marcel Duchamp qui bénéficie notamment à Paris d’une exposition au musée de la Chasse, et à Nantes aux Beaux Arts, est l’emblème de cette génération bi-culturelle roumaine qui s’est affranchie du poids de l’histoire. La Saison France-Roumanie 2019 impulsée par l’Institut Français, se veut le porte parole de ces liens et allers retours féconds.

« Dans l’histoire de la modernité, on constate une présence constante de personnalités roumaines » déclare Ami Barak, commissaire et critique d’art à l’origine de cet hommage « Ex-East, des histoires passées et récentes des avant-gardes roumaines », Espace Niemeyer, soutenu par la Fondation Art Encounters. S’il a construit toute sa carrière en France, Ami Barak garde son coeur et son œil rivés à l’est !

Certaines figures plus flamboyantes, comme Constantin Brâncuşi, Tristan Tzara, Isodor Isou ou Victor Brauner au début du siècle ont trouvé à Paris un écho à leurs recherches. Mais au delà de ces individualités, ce sont les formes artistiques elles-mêmes qui vont être bouleversées par cet état d’esprit de révolte et de dissidence permanente, Dada, Surréalisme, Lettrisme, actions/performances ..

Une fois les historiques évoqués Andrei Cadere en tête, le groupe Sigma, Ana Lupas (vraie redécouverte), Greta Bratescu, autre pionnière, Decebal Scriba (en ce moment à la galerie Anne Sarah Benichou) Ion Grigorescu, ce dernier confronté à la censure et l’isolement, c’est après la chute du Mur que la ville de Cluj-Napoca émerge, concentre les énergies et capte les regards. Ciprian MureŞan, lauréat du 10ème Prix de dessin contemporain de la Fondation Guerlain, est le fer de lance de ce petit miracle qui fait revivre l’ancienne « fabrique de couleurs » que l’on avait découverte à l’occasion du remarquable focus proposé par feu l’Espace Culturel Louis Vuitton en 2014. Une génération en transition qui se saisit d’un vocabulaire classique en peinture et dessin notamment pour y parsemer une dérive caustique et volontiers subversive : Adrian Ghenie, Serban Savu, Dan Perjovschi, Mircea Cantor, vivant à Berlin, Londres ou Paris. A partir des années 2000, la nouvelle génération s’impose, souvent éduquée ailleurs (Etats Unis), puisant dans le digital les troubles et dérives identitaires liés aux réseaux sociaux, Olivia Mihaltianu, Ioana Nemes, Anca Munteanu Rimic, …bien loin d’une relecture des canons de la modernité !

Comme un pied de nez le slogan « Communism never happened » dans ce bâtiment emblématique d’Oscar Niemeyer qu’il est toujours fascinant de redécouvrir. Une occasion unique d’un petit voyage spatio temporel aux confins des mythologies de l’est.

Et pour ceux qui feront le voyage, ne pas manquer à Bucarest le musée d’art récent, MARe, initiative privée d’envergure qui vise à réévaluer influences, évolutions et contradictions de l’art roumain à partir du tournant de 1965 jusqu’à la vague consumériste actuelle.

 

Marie de la Fresnaye


Infos pratiques :

“Ex-east” Histoires passées et récentes des avant-gardes roumaines

Espace Niemeyer

avec la Fondation Art Encounter Timişoara, Paris

du 5 février au 16 mars 2019

Art Encounters – 2019

espace-niemeyer.fr

 

Visuels © Romain Lecuyer