My-Lan Hoang-Thuy : au-delà de la photographie

Par David Oggioni13 janvier 2020In 2020, Revue #24, Articles

Un rai de lumière traversant l’atelier dirigé par Guillaume Paris se posa sur un détail du diplôme de My-Lan aux Beaux-arts : il irradiait un lys sur les pétales duquel une décalcomanie innervait, telle une vanité en punctum1, une superposition de temporalités.

Le séquençage créatif de l’artiste passionnée tout autant par les graphies que le culinaire, pourrait s’assimiler au procédé d’élaboration d’une potion magique dont les ingrédients, issus de la stratification immémoriale de ses chromosomes, seraient ensuite infusés au travers de multiples pratiques, pour être enfin dégusté au fil d’un temps de l’extase anhistorique, au-delà de la prédictibilité des formes, déstabilisant les repères des conditionnements du goût. 

 

Agrégeant techniques nobles tel le bois tourné et marqueté de nacre incrusté d’une impression, à des réminiscences de pacotilles aux formes pittoresques réenchantées par des expérimentations technologiques, en passant par ces totems sculpturaux entremêlant l’extrudation de sa signature à celle de magnats des GAFA, ou bien encore par l’édition de livres d’images traçant des installations éphémères3, semble se révéler dans ces œuvres la diapositive d’un monde multipolaire figé dans ses codifications communautaristes et dont les langages standardisés mais traversés par des fractures culturelles, ne pourront empêcher la nécessaire émancipation du supermarché des images. 

 

My-Lan Hoang-Thuy, Prix de la Photographie aux Palais des Beaux-Arts en 2019, pousse toutefois le medium en des territoires que les théoriciens peinent à définir, ce qui ne peut que réjouir l’artiste qui cherche par ses hybridations à nous extraire des frontières du cliché, jusqu’à avoir mis au point un procédé qui insuffle l’étonnement en alliant photo et peinture, nostalgie et contemplation éternelle. En des instantanés de gestes picturaux figés dans l’acrylique et dont les formes organiques reflètent sa passion pour l’idéogramme sino-japonais, My-Lan imprime au jet d’encre des reproductions de l’ordre du simple studium1. Aussi métamorphose-t-elle notre regard dans les interstices du miroir de la conscience du soi, en déplaçant la narration, depuis l’intrigue parallèle qu’est l’aventure de l’artiste avec ses matières, vers le plaisir du voir. 

 

Lors de cette nouvelle édition, s’exposera à Jeune Création une série d’après un thème cher à l’artiste : le nu. Toutefois, de même qu’a la renaissance, l’autoportrait était une affirmation et promotion de la notion d’auteur, on pourra se demander si ses nouveaux selfies en tenue d’Eve ne reflètent pas plutôt cette réalité intérieure que nous ne pouvons fuir et dont nous ne prenons pleinement conscience qu’en la projetant à l’extérieur. Le nu comme preuve et urgence d’exister, au-delà de tout signe d’appartenance vestimentaire et preuve de l’affirmation du Je, afin d’occuper un territoire qu’elle habitera pleinement, celui du mythe de la systématisation. 

1 Roland Barthes, La chambre claire, 1980

2 Gifaillaer Gimaer, avec Élise Fourche et Raphaël Lugassy, 2019 ; librairies Yvon Lambert,
Palais De Tokyo, À Rebours.


Infos Pratiques : 

 

Jeune Création / 69e édition 
La chaufferie de la Fondation Fiminco. 

43, rue de la Commune de Paris – Romainville 

du 25 Janvier au 2 Février