Lou Le Forban - Un imaginaire chamanique

 

 

Marseillaise de naissance, Lou Le Forban est diplômée des Beaux-Arts de Paris puis du Fresnoy après un passage à la Kunstakademie de Düsseldorf. Ce parcours lui permettra par la suite de faire des va-et-vient constants entre le dessin, la vidéo et la danse. Elle est également membre de deux collectifs, Triovisible et Sheesh collective, qui se consacrent à la performance et au commissariat d’exposition.

Lou Le Forban nourrit une fascination pour les récits vernaculaires et l’iconographie du merveilleux. Mais plus que l’évocation de cet univers dont s’inspirent ses motifs, c’est à l’expérience d’un monde transcendant que nous convie l’artiste. Pour parvenir à ses fins, elle n’hésite pas à invoquer le dérèglement des sens, cet état de confusion que pourraient produire l’ivresse, la maladie, les drogues ou encore la transe qui en est l’effet le plus abouti. De fait, devant son œuvre, nous nous retrouvons d’emblée confrontés à un imaginaire chamanique ou magique qui fait la part belle aux hybridations produites avec animaux et humains, des monstres qu’elle puise dans un répertoire constitué de formes et d’histoires. De la sorte, la monstruosité se révèle comme un élément abstrait qui évoque l’impensable.

Ses œuvres nous renvoient à ces sociétés archaïques où la frontière qui sépare le réel de l’irréel pouvait être annihilée dans les esprits. En rapprochant ces deux aspects du monde qui ne peuvent s’assimiler ordinairement, Lou le Forban veut nous plonger dans un mouvement de confusion et d’hybridation tel que le montre son film d’animation Tohu va Bohu. Ce dernier a pour sujet une hystérie collective appelée également danse de Saint-Guy, souvent attribuée à l’influence du diable. Il pourrait évoquer aussi les conséquences d’une zoonose. Il est surtout pensé comme une fable écologique où coexistent différents imaginaires. Il en va de même avec son installation de dessins et textiles intitulée La ronde réalisée dans le cadre du Prix Dauphine. Le déploiement dans l’espace de maintes figures hybrides, où la frontière entre l’humain et l’animal semble abolie, rappelle étrangement les représentations des danses macabres du Moyen-Âge. Ou serait-ce une représentation de l’impensable en mouvement ? Les interactions entre l’animal et l’homme peuvent ainsi se jouer sur différentes modalités, de la simple contamination à la fusion, et relever d’une dimension cathartique ou animiste.

Si l’aquarelle et l’encre sur le papier et le coton sont les techniques de prédilection de l’artiste, cette dernière n’hésite pas à compléter ses œuvres avec des éléments de végétaux ou d’animaux collectés au hasard de ses pérégrinations. L’exemple d’un cerf peint à l’encre pour lequel elle a confectionné des bois avec le datura est très significatif. Cette plante que l’artiste a trouvée au bord du canal de Roubaix, est un puissant hallucinogène également appelé l’herbe du diable. Cette hybridation à elle seule pourrait souligner la proximité que le réel entretient avec la magie, toujours à portée de main si l’on puise dans les ressources qu’offre la nature. Elle signale ainsi un passage possible entre le monde humain et celui des dieux ou des esprits.

Si l’ensemble de son œuvre tend à jouer sur les émotions que nous procure un monde fantasmagorique, quasi légendaire, il s’agit également de partager une expérience du sensible qui nous échappe au quotidien. Lou Le Forban cherche ainsi à rétablir un lien profondément paradoxal entre deux mondes d’ordinaire inconciliables et que l’art, en sus des dérèglements déjà évoqués, peut suggérer.

 

Résidence de création aux Ateliers Médicis en Ariège

de mars à juin

Exposition avec Félix Touzalin

Weiden Space, Düsseldorf

à partir du 10 mai 2024