Les 15 ans de la Fondation Francès

 

 

Depuis 2009, Estelle Francès ne cesse de développer ses actions autour d’une collection de 800 œuvres à ce jour, qui se veut en prise avec les excès humains et violences du monde. Alors qu’à Senlis, cité médiévale, ancrage historique de la Fondation, est conservé une approche intimiste de la collection, elle présente à Clichy, dans un bâtiment industriel de 800 m2, des expositions thématiques.

Estelle Francès, commissaire de l’exposition Je ne suis pas ce que tu vois de moi, construite autour des notions de genre et d’identité à partir de l’installation du duo autrichien formé d’Ashley Hans Scheirl et Jakob Lena Knebl, revient sur la ligne directrice qui les inspire, Hervé son conjoint et elle, en phase avec un contexte mondial agité, cette concordance renforçant leur engagement et la mise en place de contenus pédagogiques et éducatifs à destination de publics plus larges et plus proches. Elle lance en 2013 l’association « La Fabrique de l’esprit ». En 2015, elle crée l’association « Françoise pour l’œuvre contemporaine » qui accompagne les artistes tout au long de leur carrière à travers un concours et un programme de résidences internationales. Un déploiement à la fois local et international qui se cristallisera à l’occasion des 15 ans en 2024 à travers une ambitieuse programmation avec une exposition anniversaire, l’accueil en résidence à la Cité internationale des arts de deux artistes de Papouasie-Nouvelle Guinée, une exposition de l’artiste Kader Attia et de nouveaux projets hors-les-murs, à l’instar du partenariat avec le Musée d’art et d’archéologie de Senlis et de l’exposition No Life Lost de Berlinde de Bruyckere près de Stockholm.

Marie de la Fresnaye : Qu’est-ce-qui vous tient le plus à cœur quand vous regardez le chemin parcouru ?

Estelle Francès : Avant toute chose, les rencontres initiées, les échanges autour des œuvres et surtout les contenus scientifiques développés à travers les expositions et les œuvres. Les mots construisent l’échange et permettent de faire évoluer un regard, de modifier une émotion et d’apprécier une œuvre. J’éprouve un grand plaisir à débattre sur une perception en mouvement et depuis toujours à accompagner les artistes et les œuvres vers leurs différents publics. L’œuvre est un exutoire, un témoignage, une mémoire qui offre à chacun une possibilité de découvrir des mondes. Provoquer l’inconfort pour tenter de se réparer.

MdlF : Dans le cadre des 15 ans, une exposition de la collection est prévue, comment allez-vous opérer les choix ?

EF : La sélection croise différents paramètres, notamment chronologie des acquisitions et des expositions mais surtout l’expression de nos choix les plus intimes, les plus dérangeants parfois pour ne pas oublier et résister. Nous souhaitons donner un éclairage fidèle à nos engagements depuis 15 ans à travers la collection et la fondation.

MdlF : Remarquez-vous une évolution de votre public, l’un de vos objectifs étant de développer votre audience à un public pas forcément acquis à l’art ?

Les programmes de la « Fabrique de l’esprit », notamment les projets scolaires, ont permis d’élargir nos publics, les médiations et les cours d’histoire de l’art offrent aux enfants et aux adultes une approche individualisée des amateurs aux plus érudits. Nous avons augmenté notre audience de proximité avec nos partenariats, à l’instar du Musée d’art et d’archéologie de Senlis, et séduit les curieux avec la galerie F. qui fonctionne comme un incubateur d’artistes et permet aux visiteurs d’acheter des œuvres.

MdlF : Comment les artistes peuvent-ils postuler à cet incubateur ?

EF : Tout d’abord par le biais de la plateforme Françoise pour l’œuvre contemporaine sur laquelle nous lançons des appels à candidater, puis, après la sélection de notre comité, des projets peuvent être proposés aux artistes, des résidences, commandes ou encore une exposition à la galerie F.

MdlF : En quoi le contexte actuel de grande instabilité rejoint-il l’ADN de la collection ?

EF : C’est en effet un point important car au début de l’histoire de la collection, celle-ci était perçue comme radicale, dérangeante, nous étions perçus comme des provocateurs. Les œuvres traitaient de réalités choquantes, violentes ou répugnantes, nous souhaitions provoquer le dialogue sur ces sujets de société. Nous avons toujours assorti les expositions de programmes pédagogiques pour partager les idées. Finalement, la réalité a dépassé la perception de notre collection, les images du passé choquaient, d’aucuns ne voulaient plus les regarder, les atrocités actuelles imposent un processus de réparation où les œuvres jouent un rôle majeur. Le contexte nous oblige à regarder, à écouter, à tenter de réparer. Nous devons continuer à montrer les œuvres les plus dérangeantes car les artistes perçoivent l’horreur du monde avant que celui-ci ne se révèle monstrueux.

MdlF : Comment se présente la coopération avec le Musée d’art et d’archéologie de Senlis ?

EF : Nous avons toujours prêté une centaine d’œuvres par an. En 2023, nous leur avons prêté une œuvre de Roy Adzak et depuis, nous travaillons ensemble sur des expositions intitulées Regards croisés sur les collections du musée et de la fondation. Cette exposition est un formidable outil pédagogique pour montrer la temporalité d’une œuvre au public et considérer l’œuvre contemporaine.

 

XXH et moi à la fondation à Clichy : Exposition du 29 mars au 30 juin 2024

XXH et nous à la fondation à Clichy : Exposition du 13 septembre au 20 décembre 2024

Ghost de Kader Attia, Fondation Francès et Espace Saint-Pierre, Senlis : Exposition du 8 au 28 octobre 2024