Nathanaëlle Herbelin – une Nabie d’aujourd’hui

 

 

Pour cette jeune artiste née en 1989, qui est devenue en quelques années une des figures les plus importantes de la nouvelle génération de peintres figuratifs français, l’enjeu est de taille : faire dialoguer ses œuvres avec celles de Nabis au Musée d’Orsay dans les deux salles qui leurs sont consacrées.

Comme elle le précise, « C’est Christophe Leribault, le directeur du musée, et Nicolas Gausserand, le commissaire de l’exposition, qui me l’ont proposé. Dans un premier temps, j’ai trouvé cela un peu risqué, mais je me suis dit qu’au fond, je m’étais tellement inspirée, consciemment ou inconsciemment des Nabis, que j’ai accepté ».

Ainsi, ce sont une trentaine de ses tableaux qui sont confrontés au même nombre de tableaux de Bonnard, Vuillard, Maurice Denis, Vallotton, etc. « C’est moi qui ai sélectionné les Nabis, avec une préférence pour Bonnard que j’adore, et Christophe Leribault et Nicolas Gausserand ont choisi parmi mes tableaux existants. Mais j’en ai aussi réalisé quelques-uns spécialement pour l’exposition, en me livrant à des expérimentations comme peindre sur la colle pour obtenir un effet qui rappelle Vallotton. Et si la plupart des formats sont moyens (qui est le format qu’ils privilégiaient), d’autres sont grands pour évoquer la question du décor, qui était très important pour eux. »

Alors, pourquoi ce rapprochement entre Nathanaëlle Herbelin et cette peinture chatoyante qui a été inspirée par l’art japonais ? Le sujet. Car comme les Nabis, l’artiste aime les choses du quotidien, le banal, tout ce qui peut sembler a priori sans intérêt, voire même trivial, comme la toile intitulée Pince à épiler, mais qui parle de la vie et révèle au fond l’essentiel des choses. Chez elle se succèdent les scènes de toilette, d’intimité, d’intérieur, de couple, bref, de tout ce qui constitue l’existence. Et ce sont souvent des garçons, ses proches, qui sont représentés. A tel point que le communiqué de presse du musée parle d’un questionnement sur le genre et d’une relecture féministe des Nabis. Mais elle s’en défend : « Je n’ai pas l’intention de refaire l’histoire de ce mouvement et je ne veux jamais aborder les choses de manière littérale. Mais je suis une femme et il me semble de mon devoir de donner une image de l’homme aujourd’hui. Et je travaille toujours à l’intuition, sans théorie. Dès que je me suis astreinte à un concept, j’ai raté mes tableaux ».

Ce qui l’intéresse, c’est une forme d’harmonie telle qu’elle transparaît chez Bonnard. Famille, enfants, animaux, il y a peut-être moins de mélancolie chez elle désormais, moins d’extrême solitude. Et même sa palette, d’habitude plutôt sourde, presque grise, semble s’éclaircir, oser davantage les couleurs, à l’instar des maîtres auxquels elle rend hommage. Pourtant, une inquiétude émane toujours de ses tableaux. Car elle est franco-israélienne et sait ce que la guerre et la violence veulent dire. Encore plus aujourd’hui, où le conflit atteint un point extrême.

 

Musée d’Orsay

Esplanade Valéry Giscard d’Estaing, Paris 7e

du 12 mars au 30 juin 2024