Au FRAC Besançon, Saâdane Afif et Georgina Starr

Par Marie de La Fresnaye11 septembre 2017In Articles, 2017, Revue #16

Œuvre de l’architecte Kengo Kuma, l’ancien entrepôt de Besançon devenu le Frac Franche-Comté opère une boucle temporelle entre la nature et la ville, dans un geste créateur zen.

La lumière joue au milieu des interstices des persiennes dans cette cité des arts pensée comme une « architecture du temps » (titre du colloque organisé en 2011 par Sylvie Zavatta, directrice du Frac).

Les collections et la programmation du lieu répondent à cette problématique.

Les deux artistes internationaux de la saison estivale y apportent chacun à leur manière une lecture possible.

Saâdane Afif, qui a récemment réactivé le centenaire de « Fontaine » de Marcel Duchamp au Centre Pompidou, avec « The fairytale recordings », donne à ces vanités contemporaines une trace tangible de leur propre mémoire : les paroles d’une chanteuse d’opéra sont déversées et enfermées dans une série de huit vases. Ainsi, des vases canopes égyptiens aux capsules temporelles post conceptuelles, il est question de l’aura de l’objet et de sa symbolique.

Que ce soit à travers la commande de textes dans le prolongement de l’œuvre, le jeu de remake et de transcription infinie et les métamorphoses induites par ce processus, l’artiste place le spectateur au cœur de l’inachevé comme possible utopie.

De même génération, la « Young British Artist » Georgina Starr, dont de nombreuses œuvres sont produites à l’occasion par le Frac, fait référence aussi à l’univers sonore  avec « I am a record », sorte de discothèque idéale de 85 vinyles à ce jour, que l’artiste a entamée dès l’âge de 5 ans. Comme un portrait en demi- teinte sous la forme d’un cabinet d’écoute à la demande, avec les pochettes qu’elle fabrique par en collages. Deux œuvres exposées sont le déclencheur de l’œuvre en devenir :  » Yesterday » (dont le Frac a acquis une édition en 2010), mélodie des Beatles sifflée par l’artiste (et qui restera imprimée dans le cerveau des visiteurs pour toute la journée !), et « Static Steps », la première vidéo de l’artiste autour de pas de danse effectués par des figurines en papier. Dès lors, son vécu personnel, mêlé à l’implication du corps du spectateur, à l’aléatoire et aux techniques désuètes, nourrit un univers emprunt d’esthétique baroque et de culture vernaculaire.

Dans « The Nine Collections fo the 7th Museum », elle reconstitue sa chambre d’hôtel à La Haye, où elle séjourne en 1994 à l’occasion d’une commande de la ville, et érige l’ennui et la déprime en suprême inspiration esthétique.

Avec « Moment Memory Monument », déclenché lors d’une performance le soir du vernissage, il est question de son intérêt pour le paranormal, la science-fiction, le fantastique, à travers une reconstitution du film d’Alain Resnais « Je t’aime, je t’aime ».

Dès lors, le cheminement dans la partition de Georgina Starr s’apparente à s’aventurer dans un patchwork fictionnel. Jalonné de stéréotypes joyeusement détournés d’un prétendu paradis, il oscille plutôt vers l’enfer des leurres de la société de consommation et des mass médias inoculés dès le plus jeune âge. Convoquer ses souvenirs réels ou construits et remonter le temps : tel est le fil rouge de ces expérimentations qui invitent à dépasser le stade de la fable et du conte de fées, comme chez son acolyte, avec qui elle partage le bel espace du Frac.

 

Par Marie de La Fresnaye


Infos :

Saâdane Afif, The Fairytale Recordings

Georgina Starr, Hello. Come here. I want you.

Frac Franche-Comté

2 passage des arts, Besançon (25)

jusqu’au 24 septembre