Anaïs TONDEUR - Paris flotte-t-il ?

À la sortie de l’école Rudolf Steiner où la pédagogie Waldorf n’opère aucune distinction entre nature et culture, Anaïs Tondeur passe par le Royal College of Arts et la Saint Martin School avant d’entamer, en poétesse exploratrice spéléologue, une série de résidences entre art et science, lors desquelles s’enracineront des mises en fictions problématologiques, à la lisière du visible et de l’invisible, constructions historiques et savoirs, mythes et légendes, passé et présent, conscientisant au moyen de médiums classiques ou d’avant-garde, nos ancrages écocides dans l’évolution du monde.

Imprégnée tout autant par les récits de Jules Verne que la pensée de Michel Serres, elle s’empare des éléments, collaborant avec géologues, géophysiciens, anthropologues, mathématiciens, bio-généticiens, écologues, océanographes, ornithologues, astronomes.

La Nasa lui permet d’envoyer dans l’espace un rêve centenaire manuscrit de Camille Flammarion reproduit sur feuille miroir, à bord de la sonde spatiale Osiris Rex actuellement en route vers l’astéroïde Bennu qui fonce sur notre terre.1

Du Cnes, elle dessine la lune au graphite, perçue à différentes périodes de son observation, focalisant – entre le point de vue immémorial et celui des soviétiques en passant par celui de Galilée – comment le regard et la science transforment la conscience de la nature.2

Affligée par la présence de particules de noir de carbone, de la troposphère à nos veines, elle piste, protégée par des masques respiratoires, lors d’un voyage de 1350 km du nord au sud de l’Angleterre, les traces des météores issues de nos activités industrielles et marchandes, mouvements des polluants atmosphériques relevés par la Commission Européenne. Elle extrait les particules des fibres de masques plongés dans un bain d’ions, et les transforme en encres qui serviront à imprimer les cieux nuageux photographiés tout le long du voyage.3

Tchernobyl Herbarium est constitué de 32 rayogrammes des végétaux cultivés par le généticien M. Hajduck dans la zone d’exclusion ukrainienne, aspirant à un anthropocentrisme plus cosmomomorphe.

Des sols urbains de Paris, Les Lilas, Nogent-sur-Marne, Montreuil, Montpellier, Aberdeen, Anaïs part à la trace du Petrichor – néologisme évoquant le sang des dieux pour définir l’art ténébreux de l’olfaction du sol après la pluie, senteur tant recherchée par l’industrie du parfum : elle en extrait un dispositif transdisciplinaire réalisé en distillant 72 essences d’après échantillons prélevés sur les sites de zones industriellement contaminées.4

En écho elle performe un triptyque de rituels pour la transformation d’émotions en force d’agir : en un geste symbolique pour la re fertilisation des sols, inspirée du travail des lombrics, elle offre une coupe réalisée à partir de lait maternel à un sol appauvri par les activités industrielles. Un rite collectif, pour échapper au déni, rassemble nos larmes pour pleurer le monde vivant qui se disloque. Son sang utérin donné afin de générer une exploration de la féminité autre que via la question de la maternité.5

Parmi d’autres projets présentés notamment lors de l’ArtCop216, elle nous propose, suite à une résidence au Cnam, un voyage onirique dans les entrailles de Paris.

Entre le Pendule de Foucault et la tour chapelle de l’ancienne église Saint-Martin-des-Champs ouverte pour l’occasion, une flaque d’eau dans le déambulatoire protogothique rayonnant, réveille la légende d’une source souterraine évoquée dans le roman d’Umberto Eco. Le personnage d’un sourcier incarné par l’anthropologue Germain Meulemans, remontera l’histoire, frôlant avec le concept de collapsologie..

1 L’envol du rêve, installation vidéo, sélection d’objet et de dessins, 2016

2 Mutation Du Visible, 2013-15

3 Noir de Carbone, 2017 Installation, 15 Tirages pigmentaires au noir de carbone, 100x150cm

4 PETRICHOR Installation, HD vidéo, HDV, Col, 13′, Alambic, sols, distillations

5 Galalithe 2016 Video installation, Concrétion de lait maternel
  Appel aux Larmes, 2018,
  Selenhydre, 2019  https://vimeo.com/31013274

6 http://www.artcop21.com/events/eophones-whistle/

 

Par David Oggioni


Infos :

Paris flotte-t-il ?
Avec Germain Meulemans, anthropologue
Église du Musée des Arts et Métiers
60 rue Réaumur – Paris 3e
jusqu’au 23 juin

Cumulus Subterraneus
du 18 mai au 15 juin : performance – exposition
Médiathèque, 32 Rue Gabriel Péri, Montrouge
21 juin (17h-21h) : concert expérimental : L’APPEL DU NUAGE
Chantier de la gare : cf.page facebook

Un autre monde///dans notre monde
Frac Provence-Alpes-Côte d’Azur
20, Bd de Dunkerque, Marseille
jusqu’au 2 juin

Noirs de Metz
(exposition personnelle)
Galerie Octave Cowbell, Metz
du 13 juin au 13 juillet