Depuis toujours, les artistes femmes ont été sous-estimées sinon ignorées et sont largement sous-représentées dans les collections publiques. Certes, la situation s’est améliorée depuis une quinzaine d’années mais il reste encore du chemin à parcourir. Une nouvelle étape est franchie avec la parution de cette anthologie conçue par deux commissaires d’exposition indépendant.es : Jérôme Cotinet-Alphaize et Marianne Derrien. Elle recense les œuvres et expositions de plus de 400 artistes femmes en France depuis 2000 à 2021.
Tout a commencé en 2019, lorsque les deux commissaires ont présenté les œuvres d’une centaine de créatrices françaises dans un centre d’art au nord de l’Allemagne dans l’exposition Some of Us – an Overview on the French Art Scene. Très vite, ils ont décidé de prolonger cette expérience par un ouvrage d’envergure qui offre une vue d’ensemble de la création artistique féminine en France du début du 21e siècle. Un comité éditorial, composé de commissaires d’exposition, de critiques d’art, de graphistes et de deux artistes, Katia Kameli et Claude Closky, s’est attelé à cette tâche titanesque pendant près de 5 ans.
Il a fallu consulter un nombre incalculable d’archives et de bases de données pour constituer un « corpus idéal » qui résulte de la compilation systématique des données disponibles à travers les collections publiques, complétée par le décorticage des listes d’expositions organisées par des artist-run-spaces et autres lieux d’art indépendants, des galeries et les différents salons et prix d’art contemporain.
Au bout de ces recherches, près de 2000 artistes ont été identifiées, parmi lesquelles il a fallu opérer des choix pour réduire le nombre à 400. Selon quels critères ? L’anthologie se veut intergénérationnelle et interdisciplinaire et n’exclut ni les binômes femme/homme (Lamarche-Ovize, Brognon-Rollin…) ni les transgenres (Roy Köhnke, Florant Audoye).
Mais on peut se poser la question s’il fallait garder des artistes décédées (Louise Bourgeois, Etel Adnan, Geneviève Asse, Pierrette Bloch, Vera Molnar…) ou n’étant artistes qu’accessoirement (Agnès Varda, Chantal Akerman) sous le prétexte qu’elles ont influencé les générations ultérieures. Elles y figurent au détriment de nombreuses artistes très actives sur la scène française et avec de fortes promesses d’avenir. L’anthologie se veut à la fois rétrospective et prospective. Le premier aspect prend ici le dessus, alors que les jeunes artistes auraient besoin de cette visibilité dont les « anciennes » bénéficient déjà amplement.
SOME OF US est un gros pavé de 480 pages dont 440 sont consacrées aux visuels des œuvres et expositions des artistes. Le classement ne se fait ni par ordre alphabétique, ni par âge ou medium, mais par ordre chronologique inversé, de 2021 à 2000. Ce qui fait que des artistes peuvent se retrouver sur plusieurs pages selon les dates des expositions.
Il faut ici saluer le travail des graphistes Ariane Bosshard et Olivier Huz qui ont conçu une mise en page extrêmement dynamique en variant les formats des reproductions, de six par page à la double page.
Cette traversée de la création artistique des 20 premières années de notre XXIe siècle est précédée par un texte bilingue (français/anglais) qui analyse les enjeux artistiques, théoriques et curatoriaux de cette époque et remet en perspective des ouvrages, recherches et expositions de référence. Il est complété par plusieurs index soulignant ainsi l’importance non seulement des artistes mais aussi des curateurxices (sic), des photographes et des lieux d’exposition. A défaut de notices biographiques des artistes, il aurait peut-être été intéressant d’ajouter leurs dates de naissance (et de décès s’il y a lieu).
L’anthologie offre un véritable panorama de la scène française que l’on peut parcourir à sa guise selon ses humeurs et ses intérêts. C’est un ouvrage de référence pour toute personne concernée par l’art contemporain que ce soit de manière professionnelle ou privée.
Maya Sachweh
SOME OF US
Manuella Éditions
Prix en librairie : 65 euros
