Un coup de D jamais n'abolira le hasard

Un coup de dés jamais n’abolira le hasard, Stéphane Mallarmé (1897). Pour l’exposition « D » du Frac Île-de-France, au château de Rentilly, c’est un autre hasard, pas si éloigné de la poétique mallarméenne qui fut convoqué. Sans doute que le tirage au sort (via un plugin sur son site Internet) dans le choix d’une lettre de l’alphabet, déterminant le choix des artistes présentés, aurait séduit l’avant-gardiste « prince des poètes », adepte de l’analogie et de la suggestion, dans un jeu de correspondances, à travers images et sensations ! Mais, si l’on y songe, n’est-ce pas la démarche d’un commissaire d’exposition d’art contemporain lorsqu’il place une œuvre à côté d’une autre !

« D » fut le gagnant. Tous les artistes dont le nom commence par D, présents dans ce fonds francilien, sont exposés, avec toutes leurs œuvres. Soit 34 artistes ou binômes et 123 oeuvres, dans le spectre large, de la peinture à l’installation, de la sculpture de verre Fenouil prudent d’Erik Dietman (1993-1997) à la vidéo Animate V de Simon Dybbroe Møller (2012).

Ce principe prédéterminé et arbitraire, ne laissant aucune place au choix subjectif du commissaire Xavier Franceschi, également directeur du Frac, fut l’objet du précédent « L », à l’automne 2018 à Rentilly. L’approche est celle d’une exposition conçue sous le spectre de ce protocole rigoureux, à l’opposé de la classique sélection des œuvres confortant le discours du commissaire sur un thème.

Au gré des acquisitions, choix des différents directeurs de ce Fonds régional d’art contemporain, adeptes de la radicalité extrême, de l’intervention ou de la peinture, une image très large de la création de l’art en France est présentée. Certains artistes ne figurent que par un achat tel Plein ocre d’Olivier Debré (1920-1999), peintre de l’abstraction gestuelle dans ses toiles de la nature et du paysage ou Philippe Decrauzat The Way Out is to permutate (2006) revisitant le champ de l’abstraction dans un répertoire de formes minimales et géométriques, réinvestissant l’art optique et cinétique pour en élargir les différentes perspectives. D’autres plus « chanceux », eurent droit à de nombreux achats. Tel Stéphane Dafflon – AST 292 (2017) – avec sa  peinture abstraite créée à l’écran puis transposée de l’ordinateur à la toile. Sa démarche joue également des références aux mouvements art concret, abstraction géométrique, Op’Art. Ou Marc Desgrandchamps – Sans titre, 1996 – figuratif de l’espace indéfini dans des références à la peinture classique d’histoire.

Parmi les duo d’artistes, les belges Jos de Gruyter & Harald Thys réalisent des vidéos, des performances, des installations et des photographies dans lesquelles ils mettent en scène des personnages décalés de ce qui semble être leur quotidien, dans un univers fictionnel aux faux airs de réalité, entre cauchemar et caricature. Ten Weyngaert (2007) reprend le nom d’un centre communautaire implanté dans la banlieue de Bruxelles dans les années 1980, proposant un espace de vie utopique réunissant des individus autour d’activités artistiques et culturelles.

 

Par Gilles Kraemer


Infos :

D – œuvres de la collection du Frac Île-de-France

Frac Ile-de-France, le Château

Parc culturel de Rentilly – Michel Chartier

1 rue de l’Etang, Bussy-Saint-Martin, 77

du 20 septembre au 22 décembre