Marc Bembekoff - Galerie de Noisy-le-Sec 

 

La grande maison bourgeoise néo-Renaissance, seul bâtiment du XIXe ayant survécu aux bombardements de 1944 à Noisy-le-Sec, connut différentes affectations : hôpital militaire, musée de la préhistoire, bibliothèque de la ville et enfin centre d’art depuis 1999. Marc Bembekoff en devient le directeur en 2019 après avoir été curateur au Palais de Tokyo et directeur du centre d’art contemporain La Halle des Bouchers à Vienne.

Trouver un équilibre entre une création exigeante et une programmation de qualité qui reste accessible dans une dynamique de tremplin pour de jeunes artistes, sont les priorités qu’il défend.  L’exposition actuelle du duo Marie Ouazzani et Nicolas Carrier traite de notre rapport au vivant dans l’espace urbain. Suivra en septembre 2023 une exposition inédite consacrée à l’artiste italienne Tomaso Binga (née en 1931 à Salerne) poétesse féministe, radicale et pionnière.

Marie de la Fresnaye. Quelles ambitions portez-vous pour ce centre d’art ?

Marc Bembekoff Mon projet s’articule autour du déploiement du mot galerie, dont l’origine renvoie à un lieu de savoir, de partage, de connaissance et de faire-valoir. Partant de ce postulat, j’envisage les expositions individuelles et collectives comme une sorte de portraits d’artistes du XXIe siècle ou de personnages de fiction plus historiques. Ainsi la galerie dresse un portrait de notre temps présent et sa complexité à travers différentes thématiques.

Pour la dernière exposition Hedy Lamarr, The strange Womannous avons souhaité, avec l’artiste Nina Childress, rendre hommage à cette actrice, peintre, dessinatrice et chercheuse, au travers du regard d’une dizaine d’artistes avec un grand nombre d’œuvres produites pour l’occasion. Cette femme a été à l’origine de l’invention d’un système de codage des transmissions par étalement de spectre (futur Wi-Fi) et a inspiré de nombreux artistes de son vivant, de Walt Disney à Joseph Cornell jusqu’à Andy Warhol.

M.D.F. Quelles sont les intentions de l’exposition actuelle « Sol Fictions » ?

M.B. C’est la première exposition du duo d’artistes Marie Ouazzani et Nicolas Carrier, ce qui rejoint notre volonté de soutien à la jeune création. Ils questionnent notre rapport au végétal et sa présence dans des espaces très urbanisés. J’avais l’intuition qu’ils sauraient s’emparer de Noisy-le-Sec, de son territoire, son histoire, ses spécificités, autre composante de mon projet pour ce lieu. Ils m’ont proposé cette « fiction climatique », selon leur terme, un film avec comme postulat narratif de départ la pollution des sols à l’azote, au phosphore et au potassium qui provoque l’endormissement des êtres humains. Une vision futuriste indéterminée sur l’impact du réchauffement climatique. Ils ont tourné différentes séquences à Noisy-le-Sec dans des serres municipales, dans le quartier maraicher du Merlan, et dans une champignonnière du 18e arrondissement, installée dans un ancien parking souterrain. La misère pourpre – Tradescantia pallida – qui envahit toute l’exposition est une plante originaire du Mexique qui, avec le réchauffement climatique, a la faculté de s’adapter à nos environnements urbains de l’hémisphère nord.

M.D.F. Changement de génération avec la prochaine exposition de la pionnière italienne Tomaso Binga , très peu connue en France. Qui est-elle ?

M.B. Une jeune artiste italienne de 92 ans, Bianca Pucciarelli qui, dès les années 1960, choisit de porter le pseudonyme masculin Tomaso Binga comme une sorte de « statement » face à l’impossibilité des femmes de faire carrière à l’époque. Poétesse et féministe, elle pratique des peintures, performances, collages, vidéo-poésies et n’a jamais été montrée en France. Elle était présente à la dernière Biennale de Venise. L’exposition devrait ensuite aller au MADRE de Naples.

M.D.F Quelles synergies mettez-vous en œuvre ?

M.D.F. Le centre d’art propose également des résidences, quel est leur programme ?

La durée de la résidence est entre 6 et 7 mois sur un appel à candidature. Les artistes sont accompagnés par La Galerie avec un soutien artistique, logistique et financier et disposent d’un logement tout proche de la Galerie.

Dans le cahier des charges, il est stipulé que l’artiste doit s’ouvrir à l’environnement du centre d’art et engager des collaborations locales. Les artistes actuellement en résidence,Nadjim Bigou-Fathi et Soto Labor, s’intéressent à la façon dont la parole se met en place au sein de différentes communautés et proposeront une restitution sous la forme d’une performance et d’une publication.


 

Infos pratiques :

Sol Fictions– Marie Ouazzani et Nicolas Carrier

Jusqu’au 27 mai

Tomaso Binga, exposition personnelle

16 septembre – 16 décembre 2023

La Galerie de Noisy-le-Sec, centre d’art contemporain d’intérêt national

1 rue Jean Jaurès, Noisy-le-Sec