La Musée, une exposition à l’envers

 

 

Encore peu connue dans le paysage des galeries parisiennes, la Galerie Italienne, installée rue du Louvre, pratiquement en face de la future Fondation Pinault, frappe fort avec une exposition de groupe dont le titre est tout un programme.

 

Le jeune curateur Azad Asifovich est à l’origine du group show et de son titre quelque peu énigmatique. Le français n’étant pas sa langue natale (il est né en Azerbaïdjan), il pensait au début que musée était du genre féminin, suivant la logique orthographique. En visitant des expositions de musées et de galeries, il a pu vérifier le constat amer que les artistes femmes étaient largement sous-représentées, dans un rapport de 20 à 80%. Quoi de plus logique que de constituer une exposition quasi-muséale en inversant les proportions ?

 

C’est dans cette optique qu’il a réuni douze femmes artistes, de générations, de pratiques et d’origines géographiques diverses, et deux hommes artistes, à savoir Joseph Beuys et Xavier Veilhan. Leur présence est plutôt anecdotique avec des œuvres atypiques, même si la gravure de Beuys fait indirectement référence à la thématique de l’exposition, avec des variations sur des définitions de femmes, en partant de la « Jungfrau » (vierge) et son titre : Non puttane, non madonne, solo donne (ni putes, ni madones, seulement femmes).

 

Anne Deguelle, artiste française inclassable, se taille en quelque sorte la « part de lionne » en créant l’emblème de l’exposition, La Musée, en lettres de néon blanc sur fond rouge sang, et avec une grande installation murale composée de bribes d’œuvres qui témoignent de la diversité de sa pratique artistique.

 

De la même génération, l’allemande Vera Röhm est représentée avec une de ses sculptures caractéristiques : un grand cadre carré en orme massif, posé dans l’espace, dont un des coins est comme rongé et la part manquante reconstituée en plexiglass. Elle crée ainsi une fusion improbable et une ouverture à l’imaginaire du spectateur.

 

En « vedettes américaines », Azad Asifovich a invité Helen Frankenthaler et Kiki Smith. La première (que l’on connaît surtout pour ses grandes toiles qui marquent le passage entre l’expressionnisme abstrait et le Color Field Painting) avec une peinture sur céramique de petit format. La seconde avec deux sculptures, presque miniatures, en porcelaine blanche, notamment son Sphynx (ou plutôt sa Sphynge) de 2004.

 

Un des grands mérites de cette exposition est sa composition cosmopolite : deux artistes allemand(e)s, trois français(es), deux américaines, deux italiennes, une belge, une finlandaise, une portugaise, une indienne et une iranienne.

 

L’artiste iranienne Ghazel, née en 1966 à Téhéran, vit depuis la fin des années 1980 en France (Montpellier) tout en travaillant régulièrement dans son pays natal. Elle est surtout connue pour son projet vidéo Me. Depuis 1997 elle a produit plus de 700 courtes séquences dans lesquelles elle se filme elle-même vêtue d’un tchador dans des situations de la vie quotidienne qui tournent souvent à l’absurde. La critique du régime des Mollahs iraniens est implicite, mais elle porte, au-delà du contexte spécifiquement iranien, le regard sur la condition des femmes en général, soumises aux codes sociaux établis majoritairement par des hommes.

Parallèlement à son travail de vidéaste et performeuse, Ghazel (re)dessine des cartes d’Iran et d’autres régions du monde en y ajoutant au stylo bille, à l’encre de chine ou à la peinture rouge des « commentaires » dénonçant des dérives politiques diverses : guerres, violations des droits de l’homme, corruptions, pollutions…

L’installation vidéo Me sur deux fois trois écrans et une de ces cartes sont à découvrir dans l’exposition.

 

Lulù Nuti, italienne vivant et travaillant entre Paris et Rome, est la plus jeune artiste sélectionnée. Elle présente une installation murale d’éléments en bronze, Orizzonti, formant sept lignes horizontales juxtaposées enfermées dans des signes de parenthèse. Elles font à la fois penser à des lignes d’horizon (ce que suggère le titre) et à une écriture hermétique qui demande à être déchiffrée.

 

Lulù Nuti a participé au programme d’Artaïs #paroledartisteconfinés à voir sur notre chaîne YouTube :

https://www.youtube.com/watch?v=TNF1H88XKbQ&list=PLyGK0qyWQKh71FYaamiFNV_kwSDkCNgdc&index=51&t=8s


Infos :

La Musée, exposition collective, jusqu’au 11 juillet 2020

Artistes : Sylvie Auvray, Joseph Beuys, Anne Deguelle, Sofie Muller, Ghazel, Francesca Grilli, Lulù Nuti, Nina Roos, Vera Röhm, Kiki Smith, Hema Updhyay , Joana Vasconcelos, Xavier Veilhan

Commissaire : Azad Asifovich

Galerie Italienne

15, rue du Louvre 75001 Paris

Tel:  +33 (0) 9 84 43 87 34

info@galerieitalienne.com