Itinéraire Artaïs : Galeries du Marais & d’aillleurs

Par Alexia Pierre29 janvier 2021In Articles, Expositions, 2021

 

A défaut de visite organisée, voici une promenade artistique à réaliser en indépendant – avant de nouvelles restrictions.

Rue Quincampoix, la galerie Dohyang Lee propose une exposition célébrant ses dix ans : Or, Encens et Myrrhe (à découvrir jusqu’au 27 février). Transformée en caverne aux merveilles, la galerie relève le défi d’exposer les œuvres de 44 artistes en un accrochage complexe, élégant et travaillé. Placée sous le signe de la générosité, suggéré par son titre, la poétique du quotidien et de la contemplation est révélée dans chacune des œuvres de cette exposition. L’on y repère notamment les bobines de fil, s’agitant dans leur boîte de fer, animées par un mouvement hors-champ dans la vidéo Breathing (2013) de Natalia Villanueva Linares, avoisinant une photographie par Marcos Avila Forero. Plus loin, deux récentes sculptures de Romain Vicari nous guident vers le sous-sol, où nous accueille le film Modular K (2020), de Violaine Lochu, tenant autant de l’ASMR que du rituel chorégraphié. Se détachant des sculptures l’encadrant, la vidéo Still life (2019), de Rohwa Jeong, dirige notre regard à travers une fenêtre-écran sur une vue – et vie – immobilisée.

A quelques rues de là, la galerie Anne-Sarah Bénichou fête ses cinq ans. Retrouvons, entre autres, le reflet doré du chiffre anniversaire dans un ballon apparaissant dans une peinture de Mireille Blanc. Les artistes de la galerie, en effet, réalisent chacun une œuvre spécialement pensée pour l’évènement (à partir du 30 janvier).

Les galeries, par ces temps capricieux, gardent leurs portes ouvertes et nous invitent au rêve et à l’évasion. A la galerie Guido Romero Pierini, les dessins fantasmagoriques de Yoann Estevenin manipulent nos émotions (à découvrir jusqu’au 30 janvier). Oscillant entre les registres du cauchemar, du conte et de la sorcellerie, personnages queer et visages aux couleurs enfantines se profilent au pastel, aux crayons, et à l’encre.  L’univers de l’artiste nous rappelle le pouvoir de l’imagination et d’un besoin d’histoires.

Tout autant cabinets de réflexion, nombreuses expositions ce mois-ci catalysent les interrogations urbaines. La jeune galerie AFIKARIS, dédiée à l’émergence liée au continent africain et sa diaspora, semble suggérer de « QUITTER LA VILLE » (à découvrir jusqu’au 10 février). Ce duo show à la palette pop et dynamique nous introduit aux peintures et dessins de Moustapha Baidi Oumarou et d’Omar Mahfoudi, dont les styles pourtant radicalement différents fusionnent ici thématiquement. Lianes, fougères, feuillages et floraisons en abondance absorbent les figures, structurent les portraits, et s’imposent en osmose avec les corps dans leurs quotidiens. Le rappel de la forêt ?

Quelques mètres plus loin, la galerie Jérôme Poggi recentre la focale sur une approche sociologique de la ville, dans l’exposition personnelle de l’artiste franco-canadienne, Larissa Fassler (à découvrir jusqu’au 27 février). Ground Control met en avant ses recherches récentes, qui, à travers maquettes et cartographies aux observations humaines et spatiales détaillées, rendent non seulement compte des flambées immobilières, et documentent les présences invisibilisées des oubliés marginaux. Après Paris et Berlin, c’est à New York que s’opère cette étude urbaine. « Take the Statues Down » lit-on sur l’une des deux toiles témoignant des polémiques suscitées par la statue iconique du Columbus Circle, et revisitant la chronologie américaine depuis la construction de cet hommage à Christophe Colomb.

Chez Jousse, bordures industrielles et lisières urbaines prennent une nouvelle teinte. L’exposition collective, Tentatives de Positionnement (à découvrir jusqu’au 27 février), allie et oppose les peintures dystopiques d’Eva Nielsen au film nocturne d’Anne-Charlotte Finel, Hors-sol (2020). Dans ce dernier, vues sur champs et cheminées d’usine sont passées sous filtres rose et jaune ; des vaches apathiques paissent en pleine nuit, des oiseaux volettent désorientés. L’artiste évoque la perturbation de la nature engendrée par la cultivation intensive de certains fruits et légumes, et amplifie l’atmosphère angoissante de ce phénomène par un environnement sonore aux accords métalliques grésillants. Une superbe série d’huiles sur bois par Nathanaëlle Herbelin poursuit cette distanciation de la ville et nous confronte aux paysages arides d’Israël, tout en révélant l’intimité sociale qu’un abri bédouin prodigue au cœur du désert endormi.

Les petits formats se retrouvent également dans A Sunless Future, à la galerie Mor Charpentier (à découvrir jusqu’au 13 février). Neuf peintures par Hajra Waheed assemblent un panorama désertique, tandis qu’un mur se voit recouvert par Manoa (2020), de Christian Vinck. Ces peintures sur lin, si riches et condensées en matière, constituent une cartographie décomposée des régions minières vénézuéliennes dont l’activité menace la forêt amazonienne. La minutie des touches de pinceau en révèlerait presque les microcosmes végétaux ou terreux, alors que les échelles perceptives entre macro-micro sont bouleversées. Des écosystèmes sont néanmoins introduits dans l’espace par Bianca Bondi : entre natures mortes et compositions vivantes, ces environnements artificiels semblent relever du sacré alors que, sous leurs cloches de verre, calices, cruches et lichen se sont cristallisés.

Cette plasticité cryosphérique, nous la retrouvons à la galerie Valeria Cetraro, où le duo Pétrel l Roumagnac présente de l’Ekumen, pièce photoscénique n.3, résultat de leur résidence à la Villa Kujoyama (à découvrir jusqu’au 20 février). Allures de scène et coulisses de théâtre à la fois, des masques – nous rappelant presque les récents mouvements manifestants – et divers accessoires se retrouvent figés dans l’espace, en attente d’activation. Les photographies, à l’esthétique angulaire et apocalyptique, proposent une relecture du roman technoféministe/cyberqueer de science-fiction d’Ursula K. Le Guin, La Main gauche de la nuit. Des disques de large diamètre opèrent une étude visuelle sur la transparence, la superposition, et la dissimulation – sujets de leur recherche au Japon. Vêtements et collages se fondent dans l’opacité argentée des surfaces, tandis que dans un coin de la galerie, le mirage sombre d’une tente urbaine semble protéger – et cacher – un corps humain sommeillant.

Last stop at the gas station (Dernier arrêt à la station-service), le second chapitre de l’exposition personnelle de Maxime Duveau à la galerie Backslash (à découvrir jusqu’au 30 janvier), reprend cet univers hyper-urbain de mégalopole. En effet, superposant, fusionnant, une image d’une station-service de Los Angeles avec celle d’un carrefour d’une banlieue française, l’artiste se joue des clichés représentatifs de ces lieux. En recouvrant les murs de dessins A4, mêlant fusain, sérigraphie et tampons à l’encre de chine, notre dissociation des deux images se brouille et rend moins catégorique ce qui les sépare.

Remontons vers Strasbourg-Saint-Denis où la galerie Sans titre (2016) a élu domicile il y a un peu plus d’un an. Y est exposé le travail de l’artiste américain Cudelice Brazelton : alors qu’un orgue central se forme de stalagmites totémiques en bronze, la peinture noire recouvre par amples mouvements des assemblages d’acier et d’aluminium réfléchissant, supports évoquant les villes industrielles de la « Rust Belt » américaine. Une plus large réflexion sur les brutalités policières, les corps noirs et le rapport entre culture du cheveu et jardinage, habite la pratique de l’artiste (à découvrir jusqu’au 27 février).

Terminons par une traversée de la Seine, pour découvrir l’exposition de Sammy Baloji, chez Imane Farès, interpellant, dans un jeu de miroirs, notre attention sur des images ethnographiques coloniales. Le fond sonore d’une récitation musicale d’un Kasala, poème luba empli de l’histoire congolaise douloureuse, accompagne nos pas (à découvrir jusqu’au 6 mars). Non loin, 31 PROJECT, galerie promouvant les scènes africaines de l’art contemporain, ouvrira prochainement une exposition réunissant quatre artistes, plasticiennes comme performeuses, aux affinités formelles et affectives. On fait des dessins dans la terre propose une approche non-thématique, moins artificielle, de l’exposition collective et réaffirme ce qui unit pratiques et différents récits (à partir du 6 février).

 


Infos pratiques:

La plupart des galeries du Marais sont ouvertes le dimanche 31 janvier.

 

Galerie Dohyang Lee

75 Rue Quincampoix

75003 Paris

www.galeriedohyanglee.com

 

Galerie Anne-Sarah Bénichou

45 rue Chapon

75003 Paris

www.annesarahbenichou.com

 

Galerie Guido Romero Pierini

7 rue Froissart

75003 Paris

www.galerieguidoromeropierini.com

 

Galerie AFIKARIS

38 Rue Quincampoix

75004 Paris

www.afikaris.com

 

Galerie Jérôme Poggi

2 rue Beaubourg

75004 Paris
www.galeriepoggi.com

 

Galerie Jousse Entreprise

6 rue Saint-Claude

75003 Paris

www.jousse-entreprise.com/art-contemporain

 

Galerie Mor Charpentier

61 Rue de Bretagne
75003 Paris

www.mor-charpentier.com

 

Galerie Valeria Cetraro

16 Rue Caffarelli
75003 Paris

www.galerievaleriacetraro.com

 

Galerie Backslash

29 Rue Notre Dame de Nazareth
75003 Paris

www.backslashgallery.com

 

Galerie Sans titre (2016)

33 Rue du Faubourg Saint-Martin
75010 Paris

www.sanstitre2016.com

 

Galerie Imane Farès

41 Rue Mazarine
75006 Paris

www.imanefares.com

 

31 PROJECT

31 rue de Seine

75006 Paris

www.31project.com