CERAMIX, art et céramique De Rodin à Thomas Schütte 

 

A l’initiative de trois institutions majeures : Sèvres – Cité de la céramique, La maison rouge à Paris et le Bonnefanten Museum à Maastricht, Ceramix se donne pour ambition de dresser un panorama chronologique et géographique inédit des liens arts et céramique aux XXè et XXIè siècles. Rassemblant 250 oeuvres de 100 artistes internationaux, les deux commissaires Camille Morineau, conservatrice du patrimoine et Lucia Pesapane, historienne de l’art, explorent le statut particulier de ce matériau longtemps considéré comme mineur et périphérique, mais qui connaît un véritable renouveau, écrivant une histoire parallèle à celle de la modernité, alternant des phases d’adhésion et de rupture. Ainsi des précurseurs Auguste Rodin ou Paul Gauguin qui déclare « la céramique n’est pas une futilité » et des artistes d’avant-garde (Pablo Picasso, Juan Miro), de l’expressionisme abstrait américain à l’art informel européen (Lucio Fontana, groupe CoBra) et le mouvement japonais Sodeisha, se tissent des rapports féconds. Puis dans les années 70 émergent d’autres échanges autour des mouvements Pop et Funk aux Etats-Unis, avec la figure de Robert Arneson, avant que ne se greffent des projections entre féminisme, minimalisme et performance. Ce discours post-moderniste, qui se nourrit de la citation et du pastiche, trouve dans la céramique un support de prédilection, jusqu’à ce qu’elle ne devienne dans les années 1990 un véritable outil de critique sociale et politique, autour notamment des questions post-colonialistes, accompagnant la mondialisation de l’art contemporain. De nombreux plasticiens s’en saisissent alors dans une pratique exclusive, qui coïncide avec l’essor des nouvelles technologies et de la vidéo, renouvelant ainsi la pratique et les enjeux de l’installation et de la sculpture. Ainsi Thomas Schütte, pour la Documenta IX, expose des figures en céramique « les étrangers » pour symboliser les soupçons et la méfiance dans une Allemagne tout juste réunifiée. Johan Creten choisit de partir de l’argile, matériau pauvre, qu’il transforme par le feu en surface brillante ; Anne Wenzel, dans ses bustes « Damaged Goods », dénonce les idéologies extrêmes. De la terre d’accueil et du sol naissent tragédies humaines, exodes et perte identitaire comme chez l’artiste syro-libanaise Simone Fattal, la colombienne Paula de Solminihac ou l’argentine Ana Hillar et autres artistes sud américains. Dans une approche globalisée, de nombreux artistes orientaux et moyen-orientaux privilégient des techniques séculaires pour éveiller les consciences autour des différents visages de l’oppression, que l’on soit face aux 2000 cafards en céramique de l’iranienne Bita Fayyazi ou aux amphores millénaires d’Ai Weiwei. D’autres enfin choisissent les outrances du registre du grotesque pour décrire une beauté grinçante à forte décharge érotique comme Erik Dietman, Klara Kristalova, Cameron Jamie, Elsa Sahal ou Paloma Varga Weisz. Hybridation des formes, infinies possibilités techniques, place du hasard, processus organique de la fusion et rapport au corps : l’argile libéré de son carcan décoratif peut enfin donner libre cours à tout son potentiel.

Le parcours de l’exposition, construit autour de cette association de moments, de mouvements et d’expériences plus individuelles, dans une grande amplitude temporelle, témoigne de l’étonnante vitalité du médium et sa revanche définitive dans le champ de la création.

 


INFOS:

Bonnefanten Museum à Maastricht
jusqu’au 31 janvier

La maison rouge
10 boulevard de la Bastille, Paris 12è
du 9 mars au 5 juin

Sèvres – Cité de la céramique
2 place de la manufacture, Sèvres
du 9 mars au 12 juin