Brognon Rollin

Par Alexia Pierre28 septembre 2022In Articles, 2022, Revue #29

 

 

David Brognon, né en 1978 à Messancy en Belgique, est autodidacte. Stéphanie Rollin, née en 1980 au Luxembourg, est diplômée en arts plastiques de l’Université de Strasbourg. Le duo travaille depuis 2006 entre Paris et Luxembourg.

Terrain de basket carcéral où les mouvements se répètent inlassablement. A l’écran, des détenus arpentent les lignes tracées au sol délimitant leurs déplacements. C’est en sens inverse des aiguilles d’un cadran que la ronde s’opère, remontant le temps et exacerbant l’enfermement subi. « C’est ça notre vie ! » Lorsque les participants saisissent la parole, s’approprient le projet, l’essentiel est acquis pour le duo Brognon-Rollin. La vidéo silencieuse Attempt of Redemption (2012-2013) émerge d’une résidence initiée par le FRAC Lorraine à la prison d’Écrouves. Plutôt qu’une distraction plastique, c’est une construction collaborative que les deux artistes proposent aux détenus. Bien que la collectivité soit dans cet environnement imposée, la mouvance de groupe ainsi chorégraphiée permet de ressaisir un espace-temps cathartique et partagé.

L’expérience différenciée de la durée se retrouve tout au long de l’œuvre commune de David Brognon et Stéphanie Rollin, fil conducteur leur permettant de pénétrer divers contextes sociaux et de relater des points de vue variés sous un prisme d’analyse psychologique. Le duo n’hésite pas à se joindre aux élèves et suivre leur cours pour partager l’anticipation de la sonnerie de fin des classes, qu’ils altèrent ensuite par l’intervention sonore Train your bird to talk (2018) dans une école du quartier de la Goutte d’Or. Les artistes se rapprochent au maximum de leurs sujets.

David et Stéphanie se présentent avec humour comme « passeurs d’empathie ». Pour autant, tous deux reconnaissent le partage d’une histoire comme une véritable responsabilité. Faire parler. Leurs projets sont avant tout fondés sur l’écoute humaine et un travail de confiance. Même dans les minutes comptées d’ici la fermeture de l’usine Caterpillar, à Charleroi en Belgique, les temps d’échanges et de confrontations de réalités entre artistes et travailleurs du site sont incontournables et valorisés. De cette collaboration émerge Résilients (2017). Mécanisme ludique nécessitant l’engagement actif complice du public. L’imposant tourniquet de métal témoigne d’un contexte ciblé, local, tout en reflétant l’universel asservissement capitaliste. Mais c’est avant tout l’esprit d’équipe et de résistance collective qui se dégage de cette co-création.

Forte de points d’entrée décalés déliant les conversations, la méthodologie à l’essence participative du duo ouvre des « moments de sociabilité »[1] et leur permet de développer des échanges qu’ils entretiennent avec leurs partenaires sur un temps long, nouant de véritables relations.

[1] Nicolas Bourriaud, Esthétique Relationnelle (Dijon : Les Presses du réel, 1998).