La peinture à l’épreuve de la lumière du quotidien

La pratique de Thomas Vergne se concentre sur l’absolu de la peinture. Cet absolu, c’est son origine et son essence. Selon une quotidienneté et une rigueur, la construction des peintures de Thomas Vergne s’organise comme un circuit de travail.

Du carnet de croquis, sur lequel il porte ses intuitions, il transfère ensuite à la toile, presque toujours de format identique, une juxtaposition de formes et de couleurs. Géométrique, minimale dans la numération de ses éléments, méthodologique et sérielle dans son élaboration, cette peinture développée au contact de l’atelier de Jean-Michel Alberola il y a quelques années aux Beaux-Arts de Paris porte trace de toute une histoire de la peinture nord-américaine des années 1960 (Blinky Palermo, Ellsworth Kelly…)

Malgré la mise à distance que peut laisser transparaître cette peinture, elle porte les symptômes d’une intimité prégnante, qui se dévoile autrement.

Dans la série Shadows, entamée en 2016, est porté sur grand format un ensemble de jeux d’ombres perçues depuis son salon ou son atelier. Partageant avec nous un point de vue banal sur la quotidienneté, il laisse sur toutes ces peintures une part vide. Un cartouche blanc, faisant rupture… En ne remplissant pas complètement la toile, il laisse la scène en suspens et défait toute illusion d’une peinture feinte, comme fenêtre sur le monde. Ce vide de la toile manifeste la présence de la peinture. Elle est ici, face à nous ; sans être une énième icône qui nous transporterait vers une destination inconnue.

Un décalage s’opère depuis un peu plus d’un an dans ce travail. L’autonomie de la peinture est transférée par sa rencontre avec un autre élément du quotidien: la lumière. L’artiste opère une superposition de formes lumineuses et d’images à ce vocabulaire de formes et de couleurs. Dans l’exposition Bavardages #2 à Ourcq Blanc (Paris 75019) en juin 2017, il faisait disparaître de manière graduelle un accrochage de petites peintures dégradées de bleu (série Gradients) par un fondu lumineux.

En septembre 2018, Thomas Vergne proposera à Paris deux nouvelles pièces autour de la peinture et de sa relation à la lumière. Une vidéo originale (Yet Untitled, 2018) montrant une page blanche filmée à bord d’une voiture en journée, dont les fractures syncopées des ombres et de la lumière aspirent le regard dans une méditation musclée. A la Villa Belleville, il présentera ensuite une pièce alliant une shaped canvas réactualisée à la lumière neutre d’une diapositive, faisant collaborer des médiums et des temporalités supposément disparates, et éloignées.

Sans aller jusqu’à décrire cette pratique comme une écologie de la peinture, ce travail pose pourtant les bases d’une réhabilitation d’un médium tant décrié. Alors que les pratiques contemporaines, et que le post-modernisme ont fait table rase d’une hiérarchie des pratiques, cette mise en relation des médiums nous replonge dans l’essentialité de la peinture.

A l’ère de la dématérialisation et sans aucun soupçon de pensée réactionnaire, la pratique de Thomas Vergne s’émancipe des complexes de l’histoire de son médium pour aller vers sa reconstruction méthodologique. Et ce par une recherche sur la perception du quotidien; ces instants que nous regardons sans voir, que nous fréquentons sans sentir : le balayage de la lumière sur nos corps, la couleur des objets qui nous entourent, et la beauté de leurs ombres.

Guillaume Clerc

Pour découvrir le travail de Thomas Vergne :

– Le 8 & 9 Septembre dans le cadre de Déviation, exposition-performance programmée pendant les 24h du Festival Transformes l’Espace Périphérique (Paris 75019), sur une proposition d’Auguri Curating. Avec Clara Borgen, Alexandra Pradier, Simon Termignon, Clémence Zrida & Simon Cohen/CZSC

– Du 13 au 16 Septembre dans le cadre de l’exposition L’envers d’une autre, à la Villa Belleville (Paris 75020), sur une proposition d’Ida Simon. Avec Jeanne Huet, Juliette George, Rodrigue de Ferluc & Catherine Grandidier, Romain Sarrot, Sabrina Belouaar, Raphaël Tiberghien, Kealan Lambert, Célia Nkala, Paul Gounon, Pauline Lavogez, Paloma Moin, Ségolène Thuillart, Mehdi Besnainou, Octave Courtin, Natalia Villanueva Linares, Alice Martins & Passion Passion, Thibaut Langenais.