Xie Lei, nommé au Prix Marcel Duchamp 2025

 

Découvert par le grand public à l’occasion de l’exposition Au-delà à la Fondation Louis Vuitton en 2023, l’artiste Xie Lei, diplômé des Beaux-Arts de Paris, a franchi un certain nombre d’étapes décisives qui le conduisent à présent à être sélectionné pour le prochain Prix Marcel Duchamp. Quel fil rouge relie ces différentes recherches autour de l’image et ses réminiscences, son surgissement et ses ambiguïtés ? Comment la peinture devient le catalyseur et le réceptacle d’une réflexion au long cours qui engage autant les pulsions que l’inconscient, le désir et le néant, le hasard et l’obsession ?

 

Marie de La Fresnaye : Que représente pour vous la nomination au Prix Marcel Duchamp 2025 ?

Xie Lei : À mon arrivée en France en 2006 pour étudier à l’École des Beaux-Arts de Paris, j’avais découvert à la FIAC l’exposition du Prix Marcel Duchamp. À l’époque, je n’imaginais pas un jour faire partie des artistes nommés. Aujourd’hui, c’est bien sûr une étape importante dans mon aventure artistique en France et à l’international, mais je ressens surtout cette nomination comme un défi qui m’est adressé. C’est aussi la preuve de la confiance et du soutien de mes galeristes et collectionneurs.

MdF : « Mort heureuse », titre emprunté à Camus, est votre deuxième solo show à la galerie Semiose : qu’est-ce qui se joue dans cette série de nouvelles peintures ?

XL : Mort heureuse est un emprunt à l’ouvrage très peu connu d’Albert Camus que j’ai découvert par hasard. Il ne s’agit pas d’illustrer Camus comme avec Chant d’Amour, ma première exposition personnelle à la galerie Semiose, d’après le titre du film de Jean Genet. Dans ces deux cas, il s’agit plutôt d’un stimulus qui permet d’ouvrir une porte et de creuser davantage dans ma démarche de peintre. Une peinture dont le sujet est lié à une représentation de l’ambiguïté de l’être humain que ce soit dans le couple, l’amour, la vie et la mort. De grands sujets qui traversent toute l’histoire de la représentation.

MdF : La notion d’image revenante ou manquante habite vos scènes : quelles sources d’inspiration traversent votre pratique ?

XL : Plus que des sources d’inspiration ou des références que je laisse volontiers aux critiques, je pense que ce sont mes racines culturelles chinoises, là où je suis né et ai grandi, qui m’ont le plus marqué, comme le taoïsme, la relation avec le néant, une vision non-manichéenne… Tout cela est absorbé et traduit dans mes gestes, dans ma peinture. Ce qui se joue est de l’ordre de l’alchimie, tout comme le processus même que j’emploie.

MdF : Vos personnages sont comme dans une indécision, un état de flottement, des spectres, des fantômes nimbés d’une lumière phosphorescente.

XL : J’ai développé une nouvelle série de peintures à l’occasion de ma résidence à la Casa de Velázquez, qui interrogeait cet entre-deux entre le sommeil et la vie, la puissance et la souffrance. Intitulée Slumber, sommeil en anglais, cette série représentait des figures comme des dormeurs. Une traduction relativement banale et déroutante qui révèle en même temps une notion poétique intéressante. Cette série regroupe une trentaine de peintures de petits formats.

MdF : À l’invitation de Claire Staebler et Eli Commins, vous avez bénéficié d’une exposition récente au Lieu Unique de Nantes, où vous enseignez aux Beaux-Arts. Quelle a été la genèse de ce projet ?

XL : Ce projet est à l’initiative de Claire Staebler, directrice du Frac Pays de la Loire, qui m’a toujours soutenu. C’est un projet en commun entre le Frac des Pays de la Loire et le Lieu Unique, un espace patrimonial emblématique et dynamique de la région nantaise. Cette grande exposition était construite autour du sujet du baiser, un sujet très large, également politique et très intéressant dans le contexte actuel.

MdF : Vous êtes également représenté par les galeries Meessen à Bruxelles et Sies + Höke à Düsseldorf. Quels facteurs ont permis cette visibilité dans des villes ultra porteuses ? 

XL : Pour moi, il est très important de nouer des relations de fond avec des galeries, bien au-delà de l’aspect seulement commercial. Des relations qui entraînent des échanges artistiques, intellectuels, voire amicaux. Je dois ressentir un vrai soutien qui me permet alors de me concentrer dans l’atelier. C’est ce qui s’est produit avec Benoît Porcher (Semiose) puis Olivier Meessen (Meessen) et Nina Höke (Sies + Höke), ainsi que leurs équipes. Ce sont des galeries très dynamiques qui font un véritable travail d’équipe. Et puis, comme vous le dites, Bruxelles et Düsseldorf sont, comme Paris, des villes riches avec de nombreuses institutions et collectionneurs. Tout cela est très stimulant.

MdF : Quelles personnes ont été décisives dans votre parcours depuis les Beaux-Arts ?

XL : Je pourrais vous en citer beaucoup et ne voudrais pas en oublier ! Je ne vais donc citer qu’une seule personne, une artiste, mais aussi ma première professeure aux Beaux-Arts de Paris, malheureusement décédée aujourd’hui : Sylvie Fanchon. Sa générosité et son exigence sont inoubliables.

MdF : Quels conseils pour réussir quand on est un jeune artiste ?

XL : Garder l’énergie de l’atelier. Vivre pleinement dans le travail et en tirer une vraie satisfaction, malgré les questionnements, les doutes et les inquiétudes, c’est ce qui permet d’avancer encore plus. L’enjeu est une construction avec des phases où il faut rester concentré et ne rien voir, et d’autres phases où, au contraire, il faut s’ouvrir et communiquer. C’est comme un équilibre à maintenir. Mais comme je le dis volontiers à l’école des Beaux-Arts de Nantes où la question m’est souvent posée, il n’y a pas de recette. Il faut toujours travailler, garder les pieds sur terre, rester humble et sincère et se confronter chaque jour à de nouvelles difficultés, de nouveaux challenges. C’est cette tension qui est intéressante.

Infos pratiques

Apocalypse, exposition collective
Jusqu’au 8 juin 2025
BNF – François Mitterrand, Paris

Prix Marcel Duchamp 2025
Du 26 septembre 2025 au 22 février 2026
Exposition des artistes nommés : Bianca Bondi, Eva Nielsen, Lionel Sabatté, Xie Lei
Musée d’Art Moderne de Paris