XAVIER ANTIN, COMME UNE USINE SILENCIEUSE

 

L’exposition pensée par Xavier Antin pour le CAC Brétigny rejoint les enjeux de sa pratique autour d’un rapport numérique et augmenté à l’économie. Ces zones d’échanges et de pouvoir non palpables qui régissent les processus de fabrication industriels à l’ère des outils numériques et de l’intelligence artificielle. A l’issue de sa résidence, l’artiste a engagé un certain nombre de collaborations pour mettre en place des sculptures parlantes et évolutives à partir de scénarios prédéterminés. Un tournant dans son travail dont il nous retrace les étapes. Le titre « The Weavers » désigne à la fois le nom historique donné aux tisserands, travailleurs de manufacture textiles, et également l’oiseau, le tisserin, vivant en communauté et capable de construire intuitivement un nid à partir d’algorithmes innés.

L’invitation du CAC : genèse et enjeux

Xavier Antin : La genèse du projet remonte à deux ans lorsqu’invité en résidence par Céline Poulin, directrice du CAC, j’ai pu rencontrer sur le département de l’Essonne une équipe de chercheurs de l’Université de Saclay puis monter une équipe projet autour d’un groupe de sculptures dotées d’intelligence artificielle, avec Julien Jassaud programmeur et Camille Pageard, historien de l’art et spécialiste de la poésie contemporaine. Les enjeux étant de transformer ce dispositif de sculptures habitées en expérience d’écriture. J’ai réalisé au fur et à mesure la nécessité de créer un outil qui allait devenir un champ d’expérimentation en deça de la surface.

Les machines, puissance allégorique

XA : Petit à petit, nous avons construit des sortes de personnalités qui sont le pendant de la physicalité des sculptures, chacune d’entre elles étant entraînée à parler à partir de textes modélisés selon leur réaction et comportement. Des interactions qui permettent de fabriquer une sorte de dialogue programmatique à plusieurs voix dont la narration est laissée à la libre interprétation du regardeur.

Cette forme d’autonomie qui leur est propre en tournant le dos au spectateur est volontairement troublante. Positionnées à l’intersection entre un groupe de travail et des entités pseudo-organiques, les sculptures conversent selon un certain nombre de paramétrages faisant appel à des notions telles que l’empathie, la mémoire, l’économie.

Les machines sont pour moi un prolongement de l’être humain et une sorte de miroir dans un rapport d’identification et de projection fort.

De l’Intelligence Artificielle

XA : Ce qui se joue ici avec ces sculptures qui essaient de négocier entre elles un rapport social d’échange et de pouvoir à partir de différentes techniques d’intelligence artificielle est à l’image  des normes et codes sociaux régissant toute société. Comme récemment lors de l’exposition à Marseille « La dépense avec témoins » où mes « Workers » machines en sous-sol connectées à Internet gagnaient de l’argent en validant des transactions sur le réseau « Bitcoin », cet argent étant dépensé ensuite à la production d’œuvres d’artistes invités en regard de pièces liée à l’histoire de la critique institutionnelle. L’intelligence artificielle est devenue un lieu de fantasmes alors qu’elle est le fruit d’un certain nombre de processus performants d’automatisation cognitive. L’on assiste à une anthropomorphisation des machines, une dénaturalisation de la nature qui fait bouger les lignes, entre signifiants et signifiés, simulacre et réalité, soumission et autonomie.

 


INFOS :

The Weavers
CAC Brétigny, centre d’art contemporain d’intérêt national
Rue Henri Douard, Brétigny-sur-Orge
du 14 janvier au 7 mars