Une (certaine) scène française au Palais de Tokyo

Ce projet, porté par l’équipe curatoriale du Palais de Tokyo, qui emprunte son titre au poète et dramaturge Olivier Cadiot, rassemble 44 artistes ou collectifs  «  qui opposent une forme de résistance aux assignations, aux effets de mode » Daria de Beauvais et les autres commissaires : Franck Ballard, Adélaïde Blanc et Claire Moulène.

Une approche non pas exhaustive, mais volontairement subjective et sensible d’une « certaine » scène française. Nés entre les années 1930 et 1990, ces artistes vivent et travaillent en France et s’inscrivent dans des compagnonnages, des affinités et filiations, comme cela est traduit dans le parcours qui se déploie sur deux niveaux du Palais de Tokyo (6000m²).

Inclassables, ces glaneurs, passeurs peuvent apparaître à plusieurs moments dans des allers-retours furtifs, fugitifs où ils peuvent :

* peindre le réel avec humour, comme chez Pierre Joseph qui ouvre le premier chapitre, avec ces images d’Epinal recyclées à l’infini, avec violence et poésie chez Anita Molinero, qui retrouve ses opéras de plastique sauvages, ou avec extrême radicalité chez Maurice Blaussyld et son immense monticule de terre qui flirte entre nihilisme et non lieu ;

* investir les bizarreries du domestique avec Jean Claus et Corentin Grossmann ou Aude Pariset et ses trois lits d’enfant dévorés par les vers ;

* se retrancher dans la fable (Caroline Mesquita), le rituel (Nils Alix-Tabeling), la mythologie (Vidya Gastaldon), le simulacre (Renaud Jerez), le travestissement (Madison Bycroft), le silence (Kengné Téguia) ;

* céder aux pulsions scopiques de nos écrans et chimères numériques (Anne Le Troter, Grégoire Beil), dessiner un futur entre nostalgie (Nicolas Tubéry) et entropie (Agata Ingarden) ?

* ou se replier dans sa cabane (Martin Belou), son atelier (Nathalie du Pasquier), derrière son double (Nina Childress), son alter ego virtuel (Kévin Bray), autant de dérives qui disent des identités fluides, interchangeables, interlopes (Jean Charles de Quillacq, Julien Carreyn).

« Quelle histoire de France ? » nous demande Bertrand Dezoteux dans ce road trip anti-héroïque,  si ce n’est toujours celle de la réappropriation et réécriture des grands récits (Lili Reynaud-Dewar).

Ces artistes qui oscillent entre le singulier et le collectif ouvrent de nouvelles porosités et cohabitations qui dépassent le critère strictement géographique pour suggérer d’autres temporalités et circuits de production et de diffusion possibles. Une cartographie de l’art exigeante et salutaire.

 

Par Marie de la Fresnaye


Infos :

Futur, Ancien, Fugitif. Une scène française

Palais de Tokyo

13 avenue du président Wilson, Paris 16è

jusqu’au 5 janvier 2020