Un dernier twist avec Malick Sidibé
Depuis sa création en 1984, la Fondation Cartier pour l’art contemporain s’est engagée en faveur des artistes africains, leur offrant une exposition personnelle (citons Chéri Samba, J.D.’Okhai Ojeikere), ou collective (Frédéric Bruly Bouabré, Moke..). Si le photographe malien Malick Sidibé, exposé pour la première fois hors du continent par la Fondation Cartier en 1995, est de nouveau mis à l’honneur, c’est un hommage posthume émouvant où sont révélés de nombreux tirages d’époque inédits et développés par l’artiste dans les années 1960-70.
« Mali Twist » (titre emprunté au chanteur malien Boubacar Traoré) retrace cette atmosphère insouciante et joyeuse de Bamako à l’époque charnière qui suit l’indépendance, avec cette jeunesse euphorique qui danse jusqu’à l’aube le vendredis et samedis soirs, s’habille à la mode occidentale et découvre des musiques européennes ou cubaines. Figure incontournable, rapidement baptisé « l’Œil de Bamako », son studio, quoique rudimentaire et exigu, devient le réceptacle vivant de la mémoire de la vie sociale et culturelle de la capitale malienne. Alors que son ainé Seydou Keita s’adresse à une clientèle privilégiée et élégante, Malick Sidibé s’attache plutôt aux classes moyennes et populaires plus décomplexées.
Sur les 250 photographies exposées, une trentaine de portraits choisis dans ses archives sont montrés pour la première fois. Sur fond neutre toujours en contre plongée ou gros plan, ils témoignent d’une grande complicité et tendresse pour ses modèles, comme dans ces pique-nique le dimanche sur les bords du fleuve Niger, autre série emblématique.
Considéré comme un maître par les jeunes générations, il est le premier photographe africain à recevoir, entre autres, le prestigieux prix Hasselblad, puis le Lion d’Or à la Biennale de Venise 2007. Une consécration qui signe le destin hors du commun de l’ancien apprenti bijoutier devenu photographe auprès de Gérard Guillat, dit « Gégé la pellicule » qui se déplace à bicyclette de fêtes en fêtes, avant d’ouvrir son propre studio.
Nostalgie aujourd’hui face à ces instantanés, synonymes d’émancipation et d’espoir en l’avenir.
Par Marie de La Fresnaye
Infos :
Malick Sidibé, Mali Twist
Fondation Cartier pour l’art contemporain
261, boulevard Raspail, Paris 14è
du 20 octobre au 25 février 2018