Tragédies du divertissement par Boris Chouvellon

 

Boris Chouvellon met à mal nos vanités contemporaines à travers un dispositif critique, visuel et conceptuel qui piège le regard et tend à l’allégorie. Autant d’illusions, de non-lieux, d’anti-héros qui se cachent sous les leurres et faux-semblants de signes ostentatoires d’un désastre à venir. La ruine, source inépuisable de l’histoire de l’art devient chez lui rapport au monde. Nulle trace de sublime ici.
Goût du travail bien fait pour ce sculpteur qui se saisit du béton et de l’acier pour en dégager une puissance brute. Beauté convulsive dans la précision du geste et des intentions et la mise en tension dans l’espace à travers également ses vidéos ou photographies. De ses études à la Villa Arson et à l’Ecole Nationale Supérieure des Beaux Arts de Marseille, et ses nombreuses résidences en France et à l’étranger, il a gardé un sens du déplacement autant physique que mental, et un goût de l’observation poussé. Que l’on soit face à un horizon maritime bétonné (Front de mort), des zones péri-urbaines désertées, des trophées sportifs empilés (The small illusions), des drapeaux déchirés, un jet ski échoué (Infinita Riviera) ou une étoile géante criblée de fers à béton (Ma ruine avant la vôtre), l’ironie pointe alors que l’image se désactive. Passée la séduction première de cette imagerie Pop et raffinée, l’on oscille entre sensualité et frustration à mesure que le retournement agit. L’on songe à la radicalité de l’Arte Povera, à la figure minimaliste de l’arpenteur Carl André et aux promesses du zéro de Robert Smithson.  L’infini court-circuité.
Mais une tendresse et un blues en sourdine persistent face à ces anti-monuments, symboles déchus d’une humanité déficiente et c’est là toute la force de l’artiste de ne pas juger ou dénoncer seulement, d’ouvrir le champ de l’absurde, de « tourner à vide » * par le biais de titres percutants et à double ressort. Sa série récente d’objets « dénaturés », présentés à l’occasion de sa nouvelle exposition parisienne à la galerie Virginie Louvet, rejoue le mythe de Sisyphe sur fond de capitalisme ordinaire. Finaliste des Révélations Emerige 2014, Boris Chouvellon investira le Patio de la maison rouge à l’été 2016, sur une proposition des amis de ce lieu.

 


Infos :

Boris Chouvellon
Turn Over
Galerie Virginie Louvet
48 rue Chapon, Paris 3e
du 9 janvier au 20 février