TEN, des silences en mémoire...

Par Marie Gayet14 septembre 2018In Articles, 2018, Revue #19

Présentée dans le cadre de l’Eté photographique de Lectoure, TEN la nouvelle installation  de Laurent Fiévet  prend comme point de départ le roman d’Agatha Christie « Les dix petits nègres ». Nous avons tous en tête cette histoire où  les protagonistes réunis sur une île meurent les uns après les autres selon un plan machiavélique. Au cinéma, elle a donné lieu à de nombreuses adaptations. Dix d’entre elles forment le corpus de TEN  (c’est d’ailleurs l’occasion d’apprendre que des films ont transformé « nègres » en « indiens ») dont l’artiste n’a retenu que les bandes-son originales, expurgées  des dialogues et de la musique. Ne restent que les bruits et les sons, non synchronisés, diffusées par des enceintes placées dans différentes salles de l’ancien Palais de Justice, lieu on ne peut mieux approprié pour renvoyer à l’implacable sentence du roman et accentuer la tension palpable de l’installation. Car les sons racontent quelque chose eux aussi. Déchargés de l‘image, ils font même « voir » un peu plus loin. Et le silence, figure sonore comme une autre, est tout autant « parlant »,  de ce qu’il ne dit pas, ou plus.  Absence de mots, images parcellaires, dissimulation, suspense, comme souvent dans le travail de cet artiste, le refoulement joue une part importante, tout comme les apparences trompeuses ou la mémoire, prompte à ressurgir. D’une culpabilité à une autre, TEN pointe la mauvaise conscience du monde présent, mal à l’aise avec des événements et des personnages dérangeants de l’histoire, liés au passé colonial notamment, et la tendance à les retirer des manuels (et maintenant des correcteurs automatiques !). Comme si cela suffisait à les faire disparaître totalement ? Il est des voix intérieures qui ne peuvent se taire, des silences qui n’oublient pas.

Depuis presque 30 ans, chaque été, le Centre d’art et de photographie propose un festival « L’été photographique de Lectoure » avec une programmation qui se déploie dans d’anciens lieux de la ville (tribunal, halle aux grains, hôpital…) incluant la Maison de Saint-Louis, devenue centre d’art et de photographie en 2010. La thématique 2018 en est « La collection » avec entre autres Arno Brignon, documentation céline duval et la Collection Madeleine Millot-Durremberger

 

Par Marie Gayet


Infos :

L’Été photographique de Lectoure

Centre d’art et de photographie de Lectoure Maison de Saint-Louis 

8, cours Gambetta, Lectoure (32)

du 14 juillet au 23 septembre 2018