Suzanne Husky, une douce activiste
Suzanne Husky, diplômée des Beaux-arts de Bordeaux et d’une école de paysagisme à Oakland, a pour préoccupation principale la planète, ses ressources et les hommes qui la peuplent. L’art est pour l’artiste un moyen de communication afin d’alerter, si ce n’est changer le monde, à l’aide de messages métaphoriques, en sensibilisant à l’impact de la consommation sur l’environnement. Cette « douce activiste » invite à une réflexion quant à nos pratiques quotidiennes et leurs conséquences et « digère le monde avec des outils parfois précaires et toujours décalés » au travers de multiples mediums, du dessin à la sculpture, de la photographie à la vidéo en passant par la performance, la céramique et la tapisserie…
Au CIAP de l’Ile de Vassivière en 2017, je découvrais sa vidéo « Sirène et indienne » où de jeunes actrices américaines transformées en sirènes évoluent dans des aquariums pour le plaisir des spectateurs, toutefois annonciatrices d’un possible naufrage à venir. Lors du Salon de Montrouge 2017, elle dénonçait avec la « Noble pastorale » les effets de l’homme sur la nature, en détournant la tapisserie de la « Dame à la licorne », la licorne ici remplacée par un bulldozer. Elle témoigne encore de l’actualité, non sans humour, avec des vases inspirés de différentes cultures et éléments décoratifs empruntés aux successives périodes de l’histoire de l’art, en relatant contestations politiques et conflits. Les fleurs, symboles de paix à une époque, sont aujourd’hui le reflet d’un environnement menacé. Pour La Panacée de Montpellier, elle devient la présentatrice d’une émission « d’anima-information » et nous dévoile avec un humour décalé les différents devenirs du poulet dans une critique portant sur les enjeux économiques de notre société de consommation. Mais l’anthropologie et la sociologie de l’habitat innervent également sa réflexion artistique, comme avec l’œuvre « sleeper cell » présentée au centre d’art « Les Tanneries » où elle réinvente l’habitat avec un igloo en bois évoquant les premières habitations de l’homme mais aussi le terrier de l’animal.
Riche actualité cet été en France pour Suzanne Husky, avec 3 expositions aux titres évocateurs de slogans publicitaires : « Le goût des choses simples » au Centre d’art de Lacoux (CACL), « Des territoires, des hommes et du temps » à l’espace Interface de Dijon et « Le menuisier de Picomtal » au Centre d’art Les Capucins.
« Le goût des choses simples » met en perspective les dernières œuvres de cette artiste et du « Nouveau Ministère de l’Agriculture », nom du duo artistique qu’elle forme avec Stéphanie Sagot. Les problématiques environnementales et la complexité des enjeux de la mondialisation sont ici dénoncés avec un trousseau de mariage où service de table, nappes et coussins ornés de slogans agroalimentaires mettent en scène les tensions et les luttes qui apparaissent dans les campagnes. On y retrouvera également tapis et tapisserie, la vidéo « Wash » où des douches fantaisistes et écologiques sont adaptées à des environnements distincts et la vidéo « Sur la prolifération des sirènes en temps de naufrage ». A Dijon, dans le cadre de « Des territoires, des hommes et du temps », elle repense la fabrique de l’image de notre quotidien et de nos paysages avec une série de céramiques représentant les devantures d’hypermarchés. Enfin le centre d’art d’Embrun invite les artistes à réagir, suite à la parution du livre « Le plancher de Joachim, l’histoire retrouvée d’un village français» révélant les réflexions sur l’histoire et les mœurs d’un village haut-alpin écrites sous les lattes du plancher du château de Picomtal par un menuisier au 19è siècle. Suzanne Husky proposera des lectures alternatives autour des objets exposés au musée de Gap.
De ce télescopage des genres des mediums et des règnes, toutefois axés sur notre environnement, naît un corpus d’œuvres chaque fois pertinent et drôle.
Par Sylvie Fontaine
Infos :
Le goût des choses simples
Centre d’Art Contemporain de Lacoux
Hameau de Lacoux, Place de l’ancienne école, Hauteville-Lompnes
du 3 juin au 12 août 2018
Des territoires, des hommes et du temps
Appartement/ Galerie Interface
12 rue chancelier de l’hospital, Dijon
du 26 mai au 13 juillet 2018
Le menuisier de Picomtal
Centre d’art contemporain Les Capucins
Espace Delaroche, Embrun
du 23 juin au 26 août 2018