RON AMIR : QUELQUE PART DANS LE DÉSERT
Première exposition personnelle de l’artiste Ron Amir en France, « Quelque part dans le désert » présente 30 photographies grand format et 6 vidéos, marquées par une absence… toute relative.
Aucun portrait, nulle silhouette humaine ou animale, le visiteur découvre d’abord une succession de paysages, l’aridité d’un désert, immense. Un sentiment de presque dureté. Et c’est seulement en s’approchant que de discrètes preuves d’activité l’intriguent. Elles sont faites d’objets abandonnés, pierres, morceaux de bois, sables… ce sont des bancs, des fours, des salons de thé… Traces précaires, mais toutes étonnantes d’ingéniosité. Une vie, ici ?
Ron Amir a photographié durant 3 années le centre de détention du Holot, un camp à ciel ouvert situé dans le désert du Néguev en Israël. Près de 13 000 migrants y ont transité entre décembre 2013 et mars 2018, venus pour la majorité d’Erythrée et du Soudan. Un régime très encadré, leur déplacement restant possible autour du centre dans la journée, mais avec une stricte obligation de retour sur site et de pointage, contrôlée matin et soir. Autour du camp, s’est ainsi constitué un univers, empreint des références sociétales et culturelles des pays d’origine, au milieu d’un espace hostile et contraint, un symbole d’espoir, un avant-goût de liberté.
Avec cet ensemble d’œuvres photographiques, c’est à une double absence que l’artiste nous confronte.
Celle, quasi-documentaire, induite par la récente fermeture du camp du Holot : un plan d’expulsion a été mis en œuvre par les autorités début 2018, dénoncé par des intellectuels locaux – auteurs, médecins, anciens ambassadeurs, survivants de la Shoah –, pour son caractère non éthique, et portant gravement atteinte à l’image du pays. Ce camp a fermé, mais la polémique se répète, pays après pays, comme une résonnance. Et cette série photographique est aussi témoignage de cette réalité brûlante.
Celle, métaphore de celui qui n’a plus de droits. Ainsi, parmi les 65 millions de réfugiés et de déplacés estimés par le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, c’est entre 15 et 20 millions de personnes qui seraient aujourd’hui contraintes de vivre dans des camps, au Bangladesh, Kenya, Ouganda, Jordanie, Europe.. et, de fait, privées de droits fondamentaux.
Face à cette double absence, l’artiste nous invite à prendre le temps de regarder, de chercher, de comprendre… Un geste vers l’autre. Et pour celui qui s’y arrêtera, elles seront foisonnantes, créatives et criantes, ce seront de multiples traces de vie que le visiteur finalement retiendra. Autant de témoins, fragiles ou éphémères, d’une présence désormais évidente, ici.. Quelque part dans le désert.
Par Ronan Grossiat
Infos :
Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris
11 avenue du président Wilson, Parie 16è
jusqu’au 2 décembre 2018