Renaud Jerez : Un miroir noir aux couleurs acidulées

Par Sylvie Fontaine15 septembre 2018In Articles, 2018, Revue #19

Renaud Jerez, né en 1982 à Narbonne et vivant à Paris, prend possession d’une partie du rez-de-chaussée des Abattoirs de Toulouse pour sa première exposition monographique en France. Après des études aux Beaux-arts de Lyon puis de Paris, il participe au Salon de Montrouge en 2010 et à la Triennale du New Museum en 2015.

Aux Abattoirs de Toulouse, le public est invité à parcourir la nef aux magnifiques voûtes en plein-cintre de ce lieu construit au XIXe siècle selon un plan basilical,  jusqu’à une structure mi-porche mi-espace urbain aménagée par l’artiste. Sous une lumière blafarde et dans un environnement gris digne d’un espace bureautique, un monstre-peluche rouge affalé sur une poubelle accueille le spectateur avant de le laisser pénétrer dans une maison particulière et déambuler de pièce en pièce.

Le langage architectural est à la fois familier et étrange et les normes attendues sont brouillées. Des structures-cabanes cubiques, aux fenêtres en plexiglas de couleur, abritent des robots-momies en mutation, êtres hybrides inquiétants et burlesques constitués par assemblage de divers matériaux dans une veine dadaïste et un humour trash suggérant Mike Kelley. Des « squelettes biomorphes » transgenres sont construits à partir d’une armature métallique à laquelle sont ajoutés des tubes de PVC, jouets d’enfants, fourrures et tissus des années 70. La problématique de la muséographie et de la circulation dans l’espace est abordée avec une alternance de scénographies évoquant tour à tour des dioramas, des espaces immersifs ou encore le white cube avec des murs neutralisés imposant une mise à distance. L’artiste crée des expériences spatiales pour chaque pièce et soulève la question de la perception des formes architecturales, de la lumière et du rapport entre intérieur et extérieur.  Une fracture formelle s’opère entre les cubes-vitrines minimalistes diffusant une lumière bleue rouge ou jaune et réfléchissant l’image du spectateur, et un univers de manoir hanté médiéval évoqué par des tourelles et un mobilier de conte de fée. 

Dans un paysage travaillé comme une peinture, Renaud Jerez, un temps affilié aux artistes post-internet, oppose la matérialité de ses personnages troublants entourés d’objets du quotidien aux images véhiculées sur le net. Il questionne l’avènement possible « d’une singularité technologique » où l’intelligence artificielle pourrait influer sur la nature humaine. Le titre de l’exposition, « Miroir noir », est emprunté à celui d’une série télévisée faisant référence aux écrans omniprésents qui nous renvoient en permanence notre reflet et les dérives possibles causées par Internet.

Entre réalité et fiction, attirance et répulsion, technologie et artisanat, couleurs vives et noirceur  d’un avenir incertain, chacun est invité à évoluer en équilibriste sur le fil tendu par l’artiste.

 

Par Sylvie Fontaine


Infos :

Renaud Jerez, Miroir Noir

Les Abattoirs

76, allées Charles-de-Fitte, Toulouse

jusqu’au 17 juin 2018