Pierrick Sorin

 

Ludiques et facétieuses : tels sont les qualificatifs qui me viennent en premier lieu face aux oeuvres de Pierrick Sorin. Et puis, très vite, la conviction que ce n’est pas si simple, que derrière la figure enfantine, comme sous le maquillage du clown blanc, se cachent des questions proprement philosophiques.

Il nomme son personnage le Sorin, comme le serin qui tourne dans sa cage, mais s’y trouve bien, finalement, puisqu’il chante ! Comme le serin, le Sorin serine, répète, ad nauseam, et dans les deux sens : pour apprendre, il s’exerce à des gestes qu’il ne maîtrise jamais, dans les autofilmages, les vidéos avec Pierrick et Jean-Loup (où il joue les deux rôles) ; ou dans les théâtres optiques, quand il court ou danse sans fin sur un disque vinyl rayé, tournant à l’envers, soumis à la machine folle, voué à l’éternité d’un mouvement insensé. Il y met en scène des saynètes en boîtes, petits théâtres revisitant les dioramas d’antan. Les miroirs font entrer l’image projetée dans l’espace concret de la boîte, lui donnant une réalité troublante de miniature.

Il nous donne l’impression d’entrer dans un conte moderne où l’artiste devient personnage féérique. Malgré la trivialité des scènes, si proches de notre quotidien, et de nos peurs.

Pierrick Sorin met le visiteur sur la sellette : le siège sur lequel il faut s’asseoir pour voir l’oeuvre se met à brûler…, l’oeilleton dans lequel on regarde nous met face à face avec une image si proche que pendant une fraction de seconde, c’est le corps, l’homme réel que nous voyons. Il mêle allègrement réalité et virtuel, et nous déstabilise avec brio.

Entre dérisoire et dérision, il ne se prend pas au sérieux ; il met en scène l’absurdité de la vie, de nos vies.

Dans cette solitude étonnée propre à l’enfance, il ose se montrer en homme vrai, dans le refus des stéréotypes masculins. Il refuse la posture de l’artiste, et est, de ce fait, une figure très singulière de l’art contemporain.

Le théâtre

« En 2012, au Théâtre du Châtelet, il co-met en scène avec Giorgio Barberio Corsetti Pop’pea, une version vidéopop de l’Opéra de Monteverdi L’incoronazione di Poppea, livret de Ian Burton et dont Pierrick Sorin signe également la scénographie et les vidéos. »

Son spectacle 22h13 interprété par Nicolas Sansier a été présenté au Théâtre du Rond-Point en 2012.

« Nantes, projets d’artistes » est un film documentaire présentant un ensemble de 7 projets d’oeuvres monumentales pour l’espace urbain. Chaque projet est présenté, sur le terrain, par son concepteur. Donc 7 artistes, de nationalités différentes… Tous joués par Pierrick Sorin. Et des projets tous plus loufoques et irréalisables les uns que les autres.

Mais des personnages qui nous font penser à tel ou tel artiste bien réel, avec ses tics et ses postures.

La difficulté d’être

« …le Sorin, corps pulsionnel dont la conséquence est une inadaptation permanente au monde… une forme de poésie s’empare du clown impuissant et solitaire. » Elisabeth Milon

Son travail est traversé « par des thèmes récurrents, en particulier par ce doute absolu sur la valeur des objets artistiques, sur celle de toute activité humaine. L’enfermement insoluble dans des problèmes existentiels et le repli sur soi qui conduit jusqu’au dédoublement de la personnalité, comptent aussi parmi les idées qui fondent son travail. »

L’humour

« Je produis toujours des choses drôles ou, du moins, qui tendent à l’être. C’est plus fort que moi. Comme si une peur sous-jacente devait impérativement être maintenue à distance par le rire. La peur du vide, sans doute. Enfant, je me suis accroché à l’humour et plus encore en mon adolescence, quand la complexité du monde m’a semblé vaguement vertigineuse. »

Catalogue Le Rire de résistance, Beaux-Arts et Théâtre du Rond-Point.