Pierres vivantes, une interprétation culturelle des pierres

Par Marie Gayet30 septembre 2022In Articles, 2022, Revue #29

 

 

A l’occasion de la Saison France-Portugal 2022, le Musée de Minéralogie de l’école des Mines accueille Pierres Vivantes, une interprétation culturelle des pierres, le deuxième volet du projet Stone Alive, curatée par Marta Jecu, le premier ayant été présenté en juillet dernier au Museu Geologico de Lisbonne. Au sein de la magnifique collection de minéraux du musée, elle réunit un ensemble d’œuvres d’artistes portugais et français, aux médiums divers et met en perspective de nouvelles interprétations des pierres, par le prisme du culturel.

Partant du postulat que la pierre n’est pas seulement regardée comme un matériau de travail artistique mais comme une entité dotée d’une conscience holistique et reliée à « une multiplicité d’êtres interconnectées dans le temps et l’espace » humains ou non humain, l’exposition interroge les formes de cet héritage dans notre présent immédiat.

D’un point de vue politique, la série des livres de pierres de Fernanda Fragateiro qui incorporent en leur milieu des livres d’Arthur Larrue, sur l’histoire d’un groupe d’activistes russes, parle autant de résistance que de clandestinité. Rosell Meseguerdénonce la colonisation minérale et la « guerre des terres rares » dans une série de livres de comptes dont chaque page a été repeinte selon des nuances de classification chimiques, opérant du même coup une réparation.

L’histoire, la préhistoire, la relation mémoire collective /mémoire personnelle et le développement des civilisations sur un territoire géologique spécifique traversent les œuvres de Rita Gaspar Vieira, Sergio Carronha,  Martinho Mendes ou encoreGilles Zark. Pour ce dernier, rien ne laisse supposer que le long tissu aux moirés rouges et noirs présente un échantillon du sous-sol actuel de Lisbonne, réalisé au moyen de carottes géologiques mis à sa disposition par le musée portugais. Quant aux œuvres sur papier aux motifs abstraits de Pedro Sequeira, elles sont réalisées avec de la pierre broyée de minéraux que l’artiste collectionne. Egalement tailleur de pierres précieuses, l’artiste confectionne de manière artisanale des parures de bijoux, intégrées dans les vitrines du musée.

Dans d’autres œuvres, la pierre est considérée du point de vue de sa valeur spirituelle, qui peut élargir la conscience humaine. En parallèle de collages de stromatolite fossile, la vidéo de Vincent Voillat exalte son attirance presque sensuelle pour les pierres. Le film de Marta Alvim imagine des possibilités de fusion entre le végétal, l’animal, le minéral, les mondes cosmiques et telluriques, d’où émergent d’étranges rapprochements. Sur une ligne de temps indéfinie, là où la vidéo de Lucas Pozzi fait voyager les pierres dans un futur numérique et interstellaire, la sculpture de Claire de Santa Coloma devient organique, et l’installation de Raphaël Denis qui montre des variations du mystérieux polyèdre de la gravure d’Albrecht Dürer Melancholia, re/pose la question de l’insondable du temps. Tout aussi méditative est la proposition de Gabriel Léger. Ses cyanotypes réalisés en partie avec des pierres d’un chemin sur lequel se serait promené Galilée lors de son procès à Rome offre une vision céleste et poétique d’un des plus grands esprits à œuvrer pour la connaissance du monde.

 


INFOS :

Pierres vivantes, une interprétation culturelle des pierres.

Jusqu’au 10 novembre 2022.

Musée de Minéralogie Mines Paris – PSL

60 bd Saint-Michel, Paris 6è