Palimpseste, une étendue du temps

Par Marie Gayet10 janvier 2019In Articles, Paris, 2019, Portrait

A l’origine, le palimpseste est un parchemin manuscrit dont on a effacé la première écriture pour pouvoir écrire un nouveau texte. Sa définition même lui confère un double statut ; il est à la fois oubli et mémoire, trace d’une disparition (dont des restes à peine visibles peuvent subsister) et porteur d’une nouvelle création. La réflexion artistique, et peut-être plus encore la création contemporaine, se nourrit elle aussi de formes et d’idées passées et présentes. Ce postulat constitue le point de départ de l’exposition Palimpseste, pour laquelle Maud Cosson, la commissaire de l’exposition, a invité Sara Favriau, Aurore Pallet, Olivier Sévère et Emmanuel Tussore. Tous engagés dans une relation singulière aux supports et aux matériaux qu’ils utilisent, ils cheminent entre sculpture, peinture, vidéo ou installation.

Le travail de Sara Favriau est souvent une négociation avec la fragilité d’un matériau. Dans la verrière de la Graineterie, en réponse aux points de fuite de l’architecture, elle déploie un ensemble monumental de guirlandes de morceaux de plâtre, constituées de débris qu’elle a elle-même brisés puis enfilés comme des perles sur des fers de béton. La deuxième installation, Grimoire, présente un linéaire de petits formats à l’histoire fragile. S’ils font résonner ici le travail de l’atelier, ces assemblages et sculptures, ne permettent plus de dire s’ils sont des présences d’avant l’effacement ou celles recomposées.

Pour ses œuvres récentes, Aurore Pallet a délaissé le bois et le glacis sombre et brillant au profit d’autres supports et des techniques picturales de transfert et de sérigraphie. Cela a pour effet d’éclaircir les images, puisées dans la peinture ancienne, de leur donner plus de transparence, et néanmoins de maintenir le trouble dans la perception de l’image « origine », insaisissable, comme recouverte par d’autres images en surimpression.

Le travail d’Emmanuel Tussore emprunte à l’histoire intime et la mémoire collective. Bien que formellement très éloignées, la série de photographies Study for a soap, représentant des architectures en ruine, construites avec du savon d’Alep et la puissante installation Souches, réalisée à partir de vraies souches d’arbres déracinées, parlent toutes les deux de la fragilité, de la violence et de la disparition. Souches, spécialement créée pour l’exposition, se construit au travers de plusieurs formes narratives dont l’une fait référence au supplice du pal (ou empalement), métaphore explicite de la violence faite aux hommes et à la nature.

Olivier Sévère met en images des phénomènes aux origines invisibles, mais où le rapport au temps est essentiel. Dans la vidéo tournée au Japon, Dans ces eaux-là, conçue comme une fable picturale, on peut voir l’eau, qui façonne la pierre depuis des siècles, envisagée comme sculpteur originel. 

Visibles ou invisibles, faits d’actions simples ou complexes, ces processus artistiques donnent lieu à des propositions intrinsèquement contemporaines, dans une sorte d’impermanence atemporelle, de temps étiré.

Par Marie Gayet 


Infos :

Palimpseste

La Graineterie

Centre d’art de la ville de Houilles

27 rue Gabriel Péri, Houilles

du 19 janvier au 9 mars