Natalia Villanueva Linares
Née en 1982. L’artiste franco-péruvienne, diplômée de l’ENSBA Paris en 2010, vit et travaille à Chicago.
Une mosaïque de couleurs, un patchwork de papier de soie. Dual 8 (2022) s’étend un moment dans l’espace. Pour peu de temps. Transformative dans sa conception, l’œuvre est vouée à muer au fil de son existence, au gré des activations participatives animant son perpétuel « état de devenir ». Quelques dessins l’accompagnent : des « Poématiques », partitions guidant les étapes de la métamorphose de ce rideau cousu par l’artiste. Pendant une performance à la fin de l’exposition, il est découpé et transformé en palette de couleur en un ensemble de petites briques en papier. Pour l’artiste à l’esprit mathématique et généreux, chacune d’entre elles représente une unité du temps qu’elle redistribue, qu’elle partage.
S’y prêtent les mots de Marcel Mauss : « accepter quelque chose de quelqu’un, c’est accepter quelque chose de son essence spirituelle, de son âme. »[1] Le don est partout dans le travail de la plasticienne. Jusque dans son choix d’un matériau à la fragilité extrême. Le papier de soie abonde dans l’univers commercial de l’emballage cadeau à l’usage unique, associé à l’acte d’offrir.
La série Dual, dont une itération avait eu lieu à la galerie Thaddaeus Ropac à Pantin dans le cadre de Jeune Création (2020), se rapproche d’une autre forme de « gifting », d’un échange plus pérenne, non pas d’objet, mais d’une gestuelle.
Depuis des années, Natalia Villanueva Linares constitue une véritable Library of Gestures, une bibliothèque ou palette de gestes, à travers ses performances participatives et collectives, où prévalent méditation et convivialité. Découper, envelopper, plier ou froisser, les manipulations sont variées, des enveloppes en papier remplies de confettis (Write Spirit Gestures, 2012 – 2017) à la récolte de mèches de cheveux (Kill me Honey, 2018-2019) ou aux papiers mis en boule et dépliés (Soulutions, 2012 – 2021). C’est une redistribution du temps que ces actions permettent au public témoin comme aux participant.e.s, enveloppé.e.s par le son du travail manuel synchronisé. Et une façon pour l’artiste, au côté animiste, de transmettre des émotions et de partager sa grande sensitivité aux objets et aux lieux chargés d’histoires vécues.
[1] Conception maori du don. Marcel Mauss, « L’esprit de la chose donnée », Essai sur le don.
Forme et raison de l’échange dans les sociétés primitives (Paris : Les Presses universitaires de France, Quatrième édition, 1968) : 17.