Women House | Monnaie de Paris : Métamorphose inclusive

Par David Oggioni19 avril 2018In Articles, 2018, Revue #18

Après l’ouverture de l’exposition Women House à la Monnaie en octobre dernier, décède à 86 ans l’historienne de l’art Linda Nochlin, qui dans Artnews de janvier 1971 posait la question «Pourquoi n’y a-t-il pas eu de grandes artistes femmes ?» fondant ainsi avec l’écrivaine et activiste Lucy Lippard une déconstruction de l’histoire de l’art. Le genre devint subversif suite aux réponses engageant la responsabilité idéologique du phallocentrisme ancestral.

À Fresno en 1970, l’artiste Judy Chicago, horrifiée du machisme californien, institua le premier programme éducationnel visant à développer un art qui, comme le clamait Virginia Woolf*, put changer les valeurs établies avec comme condition pour une femme d’être auteure, de disposer de quelque argent et d’Une chambre à soi.*

 

La question de l’atelier et de son coût : bâtir son espace comme base d’émancipation, devint la source du dialogue de cette unité universitaire qui se poursuivit en 1972 au Cal Arts – école expérimentale et radicale, dont les locaux en gestation suite au tremblement de terre de 71, offrirent l’opportunité de restaurer une bâtisse d’Hollywood fondant ainsi la Womanhouse. Le vernissage de novembre 1971 réservé aux femmes, généra ensuite 10.000 visites, transformant ainsi la question de l’intime en sujet public.

Comme à Washington aucune femme ne fut invitée à la Corcoran Biennal de 1971 -la plus importante institution artistique du pays-, on présenta la maison-femme lors de la réunion de 1972 qui lança le Mouvement d’Art Féministe National. Dix ans plus tard naissait dans cette ville le Musée National des Femmes qui coproduit l’exposition actuelle au quai de Conti ; 200 ans après la théorie de l’égalité des sexes de Condorcet, inspecteur de la Monnaie, inventeur du droit d’auteur.

 

39 femmes artistes font écho aux 17 pièces de cette maison fondatrice avec entre autres : l’escalier de la mariée convoqué par la yourte de Nil Yalter, et Claude Cahun pour la penderie : car il faut bien sortir du placard. Rachel Whiteread offre un échiquier-maison-de-poupée, entre théâtre d’Ibsen et l’Alice de Caroll, évoquant l’opulente salle à manger aux mets sculptés. Au sein de la cuisine nourricière, Karin Mack rêve allongée sur sa planche à repasser, Martha Rosler performe la perverse liberté des robots ménagers. Un filet de Sheila Pepe fait office de coin tricot. La chambre-feuille reflète le cycle des nostalgies grâce aux membranes de Nazgol Ansarinia et aux empreintes de la mémoire d’Heidi Bucher. La baignoire à cauchemars est incarnée par le module-jacuzzi d’Andrea Zittel. La porcelaine organique d’Elsa Sahal reflète la salle de bains aux menstruations et l’angle à rouge à lèvres. 

 

Le faire ensemble qui permit cette prouesse historique s’exprime par la tente de Lucy Orta.

Woman House pointe comment, en libérant la parole et les questions de femmes artistes, ce lieu longtemps sous domination masculine, permit l’émergence d’une inversion des sexismes, ouvrant la voie à une reconsidération du rôle des femmes au musée.

 

*Virginia Woolf, Une chambre à soi, 1929

 

Par David Oggioni


Infos :

Women House

Monnaie de Paris

11 quai de Conti, Paris 6e

jusqu’au 28 janvier