Mélanie MATRANGA : Must have

Par David Oggioni4 octobre 2018In Articles, 2018, Revue #20

Mélanie Matranga, invitée à tresser son empreinte dans l’héritage de la Villa Vassilieff, façonne pour s’y enraciner un non-lieu blanc – couleur où les traces du temps s’impriment le plus vite, sorte de théâtre de mémoire, paré de représentations mentales, transposées de confection d’objets historiés par l’expérience accrue du désir prétendument libre de posséder.

Fervente lectrice de Freud, qui avant la psychanalyse observait les anguilles, Matranga dissèque telle une éthologue, la façon dont les conformismes induisent nos affects et relations au monde. Par réification elle modèle le volume des approches de la socialité, via les modalités de développement des relations. En l’espèce, le langage verbal ou non, conjugue Ethos, Logos et Pathos1.

La conscience du Moi, s’incarne ici, pendant du plafond, en une capsule d’archétypes de mode, cousus en papier de riz, brodés jusqu’à l ‘étiquette, animés d’une lumière intérieure et d’où défile une musique aléatoire. Entourées de murs exsudant, ses taxonomies flottent sur une moquette nimbée de lacis végétaux, jardin intérieur, dont l’arrosage quotidien, ramène notre songe au présent – sorte de récepteur du Soi.

En conséquence, entre l’être et le paraître, le logos du message pourrait à tout le moins être qu’au creux du monde post utopique des révolutions, où tous semblent vouloir autant d’empire que la reine et le roi, l’on aboutit systématiquement à l’uniformatisation, posant la question de ce qui fait ipséité. En effet le désir d’appartenance induit à un individualisme paradoxalement stéréotypique, où le conformisme génère un suivisme dangereux, notamment envers les engagements fanatiques, qui muent en entrismes la tribu humaine, amalgamant résistances et collaborationnismes. Souscrire aux opinions du plus grand nombre demeure un principe remis en cause par divers mouvements artistiques2.

Première distinguée par le prix Frieze, et honorée par le féministe prix Aware, l’artiste multimorphe nous offre une vaste opportunité de pensées et d’inventions plutôt que de réponses, confectionnant une nouvelle vie aux fétiches, « pas piquée des vers », censés construire notre individualité et à les considérer à l’aune d’une prise de conscience qui serait qu’à bien des égards, le désir d’être, demeure la marque de notre humanité, soumise au langage et au passage du temps.

n.b. : ne pas oublier d’emporter le journal-objet de la Villa où sont assemblées des interventions préparatoires, patchwork révélant les sources d’inspirations littéraires de Mélanie.

 

Par David Oggioni


Infos :

Villa Vassilieff – Chemin du Montparnasse
21 av. du Maine, Paris 15
e
jusqu’au 22 décembre 2018