Maxime Duveau : un parcours d’exposition comme une exploration d’un territoire

Par Pauline Lisowski26 janvier 2021In Articles, Portrait, 2021

 

La musique rock n’roll et les palmiers de Nice ont accompagné Maxime Duveau en Californie. Depuis six ans, l’artiste s’est intéressé à Los Angeles, qu’il a exploré méticuleusement en baskets lors d’un séjour, traversant la « ville de la voiture » à pieds, au plus proche du bitume, muni d’une carte dessinée à la main et de quelques tickets de bus. Il s’est plongé dans cette ville en se nourrissant notamment de lectures, de films et en écoutant de la musique. Son expédition l’a amené à relever des empreintes de la ville ainsi qu’à prendre beaucoup de photographies, sources ensuite de dessins au fusain grand format. Il pratique la sérigraphie et des techniques qui impliquent la série, mais aussi la multiplication du geste comme celui du tampon à l’encre de Chine ou le transfert.

Au fur et à mesure de ses expérimentations, il s’est recentré sur moins d’images. Les accidents plastiques issus de ces expérimentations l’intéressent et il en joue. Maxime Duveau créé plusieurs dessins avec la même encre et un écran de sérigraphie peut contenir la mémoire du précédent. En ne réencrant pas à chaque tirage, certains dessins peuvent présenter des manques, des traces de matière absente, des « défauts » de tirage.

 

Ses oeuvres se répondent d’une série à une autre. Des motifs personnels se retrouvent en miroir et en négatif. Dans le premier chapitre de son exposition à la galerie Backslash, des motifs se distinguaient, rappelant la ville de Los Angeles. Dans le second volet, il a intégré aux dessins de cette ville, des représentations de Conflans-Sainte-Honorine où il réside habituellement. Deux images urbaines sont récurrentes dans ses travaux sur ces villes qui pourtant diffèrent fortement, la station-service et le carrefour. Le motif du palmier apparaît aussi régulièrement, comme un détail de l’environnement de cette ville californienne qu’il a exploré.

L’artiste travaille avec des scotchs de réserve et fait apparaître le dessin en négatif tout en laissant une place aux hasards qui provoquent des matières noires, modifiant le paysage urbain. Ses dessins incarnent des présences fantomatiques d’anciens travaux. Ses premiers gestes brouillent les représentations. À nous de nous faire archéologue et de creuser la surface de l’œuvre pour en soulever les strates. Des références aux travaux de Gordon Matta-Clark et aux peintures d’Ed Rusha peuvent se déceler dans cette pratique artistique. Récemment, il a utilisé le cyanotype, faisant apparaître la couleur en confrontation avec ses œuvres en noir et blanc. Cette technique lui permet notamment de capter une trace de la réalité.

Il nous invite à un parcours dans un espace urbain où des réminiscences d’images se laissent découvrir et prend également de plus en plus en compte l’architecture de l’espace où il expose. Ainsi, il a notamment recouvert certains murs de la galerie avec une œuvre all-over, réalisée à l’aide de tampons, tel un papier-peint support d’autres travaux. « J’aime quand le mur n’est pas lisse. Quand je dessine au fusain, quand j’applique mon tampon, je révèle l’espace. » affirme-t-il. La lecture de ses dessins alors se complexifie comme s’il ne restait que des traces de ses déambulations. L’ensemble se découvre à la manière d’un film où s’entremêleraient les espaces et les temporalités.

 

Parallèlement à ses œuvres sur papier, Maxime Duveau écrit des romans d’aventure. Il reprend certains gestes du dessin dans ses écrits, pratiquant le collage et le cut-up. Lors de son exposition à la galerie Houg en 2017, son texte d’introduction nous plongeait dans une ambiance de polar. Sa nouvelle récente Dernier arrêt à la station-service contient des bribes de ses anciens romans, notamment RingoleV.io Cosmique, édité sous forme de feuilles volantes à l’occasion de son exposition personnelle au MAMC+ en 2018 dont elle forme la suite. L’idée était alors de remettre le roman policier dans l’ordre avant de pouvoir en suivre l’intrigue et se mettre ainsi dans la peau d’un enquêteur.

 

À la galerie Backslash, les deux expositions nous proposaient d’effectuer un retour en arrière pour recomposer le puzzle de dessins. Au cœur de sa démarche artistique, la répétition et ses différences nous obligent à mieux regarder. Nous prenons alors le temps de revenir plusieurs fois sur le même dessin pour reconnaître des éléments et recoudre le fil d’un récit, d’un itinéraire proposé par l’artiste.


Infos pratiques

LAST STOP AT THE GAS STATION
(DERNIER ARRET A LA STATION SERVICE)
BACKSLASH
29 rue Notre-Dame de Nazareth, 75003 Paris