Louidgi Beltrame, «El Brujo» prix SaM art contemporain

 

Louidgi Beltrame interroge dans des dispositifs filmiques et photographiques les ruines d’une architecture moderniste et utopique pour en soulever les ambiguïtés et paradoxes. Un futur post apocalyptique qu’il rejoue sur un mode conceptuel pour y tracer des équivalences avec l’histoire du cinéma, autre machine à rêver et « contrainte du regard ». L’inconscient du spectateur est alors sollicité pour réassembler les fragments de cette vision labyrinthique où le son opère autant que les mots. Après le Japon (les Dormeurs,Gunkanjima), l’Inde et le Brésil (Brasilia/Chandigarh et CineLândia), il revient au Pérou ( après Nosotros también somos extraterrestres, 2014) pour y mettre en jeu son nouveau projet « El Brujo » rendu possible par le prix SAM art contemporain obtenu en 2014, et visible dans son exposition au Palais de Tokyo. Dans la salle 37 qui remonte à l’époque de la Cinémathèque, le film projeté en boucle est assorti des repérages du projet filmé en Super 8 et d’affiches inspirées de l’esthétique de la musique chicha péruvienne.

Fasciné par le site tellurique El Brujo le long du désert péruvien, entouré d’une mer de canne à sucre, mémoire de l’histoire coloniale, il imagine alors d’y superposer une scène emblématique du cinéma de la Nouvelle Vague, le final des 400 coups de Truffaut : quand le héros incarné par Jean-Pierre Léaud s’enfuit d’un centre de délinquance et court vers la mer qu’il n’a jamais vue. Pour déplacer cette scène aux antipodes, à la fois dans le temps et dans l’espace, c’est finalement un guérisseur rencontré sur place qui joue le rôle du héros, opérant alors un transfert d’énergie.

Ces multiples rebondissements qui débordent du cadre premier, donnent une épaisseur narrative supplémentaire au film. Transfert d’un paysage sur un personnage, transfert d’une personne en un personnage, et transfert magique. Comme une réalité qui se transforme et que le spectateur est invité à reconstruire par ces effets de miroir et de glissements sémantiques. Entre fiction et documentaire, cinéma et architecture, personnages et vecteurs de l’histoire, à chacun d’imaginer le temps d’après !

 


Infos :

Louidgi Beltrame «El Brujo»
Palais de Tokyo
13 Avenue du Président Wilson, Paris 16è
du 19 février au 16 mai