L’invention de Morel

Par Sylvie Fontaine11 septembre 2018In Revue #19, Articles, 2018

L’exposition « L’Invention de Morel ou La machine à images », inspirée du roman d’anticipation de l’écrivain argentin Adolfo Bioy Casares paru en 1940, n’est pas l’illustration de l’œuvre littéraire mais a  inspiré les cinéastes dans les années 70, les intellectuels dans les années 80 et enfin les artistes à partir des années 90.

Dans notre monde envahi par les écrans, comment nous comportons nous face à ces images, lieux de projection, de rencontre ou de convergence ?  Le visiteur est ici confronté aux mêmes questionnements que le héros du livre où « le fugitif se retrouve sur une île peuplée de présences étranges qui le fascinent et qui vivent leur vie sans s’occuper de lui. Il tombe amoureux de Faustine… ». Quelle est la réalité des images ? Peut-on tomber amoureux d’une d’entre elles?

Le commissaire Thierry Dufrêne, invite 15 artistes d’origines diverses à montrer l’influence qu’exerça ce roman. Certains y font référence directement comme Masaki Fujihata avec son installation immersive où le spectateur s’enregistre dans un panorama circulaire qui se métamorphose sous ses yeux. Pierrick Sorin met en contact des mondes parallèles en créant un théâtre optique, où par un subterfuge technique, il entre dans l’image afin de danser avec Faustine dans cet étrange musée.

D’autres artistes sont inspirés par cette traversée des apparences, leur thématique rejoignant celle de Morel, comme Leandro Erlich qui transgresse l’architecture avec son « passe-muraille ». Julio Le Parc provoque le vertige avec un cylindre de lumière tournant sans discontinuer.

Le film comète conçu par Frédéric Curien et Jean Marie Dallet, comme une géographie de l’imaginaire, résulte de la projection de façon aléatoire des 635 plans du film « L’homme qui en savait trop » d’Hitchcock, telle une constellation de possibles. Piotr Kowalski, joue avec le miroir et l’hologramme que le regard traverse mais parfois se trouve confronté à la réflexion de la propre image du regardeur.

Enfin dans une troisième catégorie, certains artistes inventent leur propre « île de Morel » tel Nicolas Darrot qui imagine une station spatiale où des êtres hybrides mi-insectes mi-machines seraient envoyés dans l’espace en répétant à l’infini leur langage. Stéphanie Solinas explore le territoire physique de l’Islande comme une représentation mentale de l’Ile de Morel, proposant ainsi une traversée de l’invisible dans un lieu parcouru par des présences surnaturelles.

Cette ancienne résidence de la famille Charcot devient pour un temps le théâtre d’expérimentations troublantes qui permettent au spectateur de rêver d’immortalité dans un monde d’illusions. Quand l’homme devient image à l’aide des machines célibataires…

 

Par Sylvie Fontaine


Infos :

L’Invention de Morel ou La machine à images 

Maison de l’Amérique latine

217 Boulevard Saint‐Germain, Paris 7è

jusqu’au 21 juillet