Les Tanneries, centre d’art contemporain

Par Marie Gayet20 septembre 2018In Articles, 2018, Revue #19

Ouvert à l’automne 2016, après réhabilitation des anciennes tanneries, le centre d’art contemporain Les Tanneries développe une programmation d’expositions, de résidences et d’action culturelle. Réparti en trois espaces sur deux niveaux du bâtiment et un parc de sculptures bordé d’un cours d’eau, le lieu entretient une atmosphère particulière, liée à son activité passée et à cet environnement de nature.

Engagé avec conviction auprès de la création émergente, le centre d’art assure aussi la valorisation de l’héritage, à travers un partenariat avec des institutions (Frac Centre par exemple) ou en associant des artistes reconnus à des artistes plus jeunes.

Pour l’exposition Formes d’histoires de l’été 2018, Eric Degoutte, directeur et commissaire, a réuni une trentaine d’artistes (on aimerait les citer tous !) autour de la figure tutélaire d’Erik Dietman, dont le vocabulaire plastique, conjuguant avec humour narration et figuration, donne le ton des mises en récit de la proposition.

En allant chercher du côté de la présence narrative dans les oeuvres et les possibilités d’histoire(s) qu’elle autorise, ce deuxième volet structurant le projet du lieu, opère un contrepoint sémantique à l’exposition inaugurale Histoire des formes qui privilégiait l’approche formaliste et silencieuse de la matière artistique.

Bruisseront donc entre les murs de la Galerie haute des histoires étranges et fantastiques, récits de métamorphoses et de transmutations, de trophées de chasse bizarres et d’objets détournés, autant d’univers « racontés » par les artistes où transparaît une double vie des êtres, des animaux et des choses. Pour endosser une nouvelle nature et y faire croire, un simple geste suffit parfois à la transformation (Geoffrey Contenceau).

« La mort du petit cheval » (Céline Cléron) émeut alors même qu’il n’est qu’un objet à terre. Tour à tour merveilleux et inquiétant, fabuleux et trouble, l’imaginaire de l’exposition se nimbe de l’atmosphère « Entre chien et loup » (Anne-Charlotte Finel) ou de transparence diaphane (Amandine Guruceaga).

Si le film de Jean Renoir « La Règle du jeu » est citée en référence, « Tristana » de Buñuel n’est pas loin non plus dans la très mélancolique pièce de Javier Pérez – mais ô combien cruelle – qui juxtapose un chausson de danse et une chaussure orthopédique.

Symboliquement, l’activité de l’ancienne tannerie s’immisce dans ces histoires, que ce soit avec les corps coupés (Fabien Merelle), les objets tronqués (Monika Brugger), les lambeaux textiles (Marion Baruch), ou les dépouilles colorées d’Anne Ferrer (Les Carcasses réactivées pour l’occasion). La peau est un territoire sensible qui s’innerve (Cathryn Boch) ou se dessine en un rébus cartographique (Jean-François Lacalmontie).

Au printemps dernier, Laurence De Leersnyder évoquait dans son installation monumentale « Poly-mer » des fragments d’épiderme graciles suspendus en plein vol. Pour Formes d’histoires, l’artiste réalise une œuvre in situ, qui consiste à prendre des empreintes des murs sur des bandes d’élastomère et de cette façon « écrire » leurs récits muets. En parallèle de l’exposition est prévue une cuisson des céramiques de l’artiste en résidence Elise EEraert, dans un grand four en extérieur et en présence du public… Une veillée  d’antan, en version contemporaine !

 

Par Marie Gayet


Infos :

Les Tanneries, centre d’art contemporain

234 rue des Ponts, Amilly (45)

Formes d’histoires, Galerie Haute

jusqu’au 2 septembre 2018