Les Mues de Sylvie Bonnot, migration de l’image

Par Marie Gayet1 octobre 2015In Articles, Revue #11, 2015

A la première vue des Mues, on pourrait croire à une photo en noir et blanc pâlie, selon le principe originel de l’apparition d’une image, mais le sujet en est trop contemporain – architectures modernes, paysages, portraits. De plus, des plis, des aléas, d’étranges craquelures troublent la surface. Serait-ce en fait un dessin ? Qu’il soit photographique, dessiné ou en volume, le travail de Sylvie Bonnot, diplômée de l’ENSA de Dijon en 2006, questionne les médiums dans leur capacité à se rapprocher, jusqu’à fusionner, à travers des actions qui les engagent dans leur propre transformation.

La dernière série de Mues (dessins à la gélatine et volumes photographiques) poursuit cette démarche de l’expérimentation. Une visite à son atelier dans un petit village de Bourgogne nous éclaire sur le procédé des Mues, opération délicate consistant à transférer la fine couche de gélatine d’un tirage photographique sur un autre support. Un soulèvement de l’image ou une migration, en quelque sorte. Celle-ci, une fois déposée, fera dessin, d’où tout repentir est exclu – puisque la pose est en une seule fois – mais où froissements et effets de brisure font traces.

Si la photo atteste de ce que l’œil perçoit, le dessin, lui, atteste de ce que le corps perçoit et engrange comme sensations, émotions, tel un sismographe. Pour cette voyageuse aux extrêmes, d’une île sauvage irlandaise au désert australien, en passant par la Réunion, le Japon ou la banquise, et récemment la Russie parcourue dans le Transsibérien, chacune des étapes du processus, dans sa propre temporalité, participe de ce qui meut l’image en Mue.

A la YIA Art Fair (Galerie Ségolène Brossette), à côté des petits formats, seront présentées des Mues grands formats, sur toile cette fois, fruits de ses expérimentations de l’été.

Chez Ducasse, le procédé de la Mue est mis en volume, continuité d’un travail de dessin dans l’espace à plusieurs dimensions, amorcé avec les précédentes séries Proues, Pains de sucre et les photos pliées. Sauf qu’ici, la gélatine se moule sur des supports en bois construits par ses soins, reprenant le principe de la sculpture chryséléphantine. Après avoir été soustraite à sa propre surface, l’image altérée retrouve, par ce procédé structurel, la profondeur qui lui avait été retirée, et peut, à nouveau, expérimenter une matérialité plastique et sensible de la forme.

 

Par Marie Gayet


Infos :

YIA Art Fair

Carreau du Temple, 4 rue Eugène Spiller, Paris 3è

du 22 au 25 octobre 2015

Parcours St Germain

Le Chocolat – Alain Ducasse, 26 rue St-Benoît, Paris 6è

du 23 au 31 octobre 2015