Les « Fragments liminaires » d’Estefania Peñafiel Loaiza

 

Cette artiste, félicitée aux Beaux-Arts de Paris en 2006, travaille comme une « archéologue de l’image » sur le thème de l’absence, la mémoire, l’histoire (petite ou grande) au travers d’installations, vidéos, photos et textes.

La photographie est par définition le medium de prédilection pour dépeindre la réalité. Mais c’est par l’effacement, la trace, le dévoilement ou au contraire l’accumulation  que l’artiste nous déstabilise et nous incite à un questionnement sur le statut de l’image et au message qu’elle véhicule. « Cacher pour mieux voir…donner à regarder ce qui est derrière l’image… » nous dit-elle.  L’œuvre se construit entre visible et invisible, présence et absence, apparition et disparition, à l’aide de matériaux simples et parfois précaires.

Dans le cadre de son exposition monographique  « Fragments liminaires », Estefania Peñafiel montre un ensemble de productions anciennes dont la superbe installation « Sans titre, figurants » de 2009, constituée de pages de journaux où les silhouettes d’anonymes ont été effacées, ne laissant apparaître qu’une trace fantomatique, et ne subsistant que sous forme de résidus de gomme entreposés dans de petites fioles en verre. « Sismographies » évoque l’histoire de la formation de nos continents avec une superposition de livres noircis et imbibés de cire, traversés par une ligne brisée.  « L’espace épisodique », présenté au CREDAC en 2014, se transforme dans l’espace du CPIF pour donner forme à une nouvelle « peau de plastique » empreinte du lieu et de son histoire. Pour cette artiste, l’acte de créer est avant tout un acte politique comme dans la pièce « Les villes invisibles », où les images évanescentes de vues aériennes du Centre de rétention administrative de Vincennes sont projetées sur le sol, et montrent comment cet endroit infréquentable et donc invisible est considéré comme un territoire d’exclusion sur le sol français.

La série « Air d’accueil », commencée en 2013 et poursuivie pendant sa résidence au CPIF, est un ensemble de photos prises et retravaillées à partir de vidéos de caméras de surveillance placées à la frontière entre le Mexique et les Etats-Unis dénonçant les flux de migration. Les images, devenues floues, rendent l’invisibilité à ceux dont l’image a été capturée à leur insu.

Cette jeune artiste nous révèle des fragments d’histoire dans un travail à plusieurs niveaux de lecture éminemment efficace et hautement poétique avec une grande sobriété de moyens.

 


INFOS PRATIQUES

Centre Photographique d’Ile-de-France (CPIF)

Cour de la Ferme Briarde

107 avenue de la République, Pontault-Combault

jusqu’au 28 juin