Les divagations d’Emmanuel Régent

 

L’artiste Emmanuel Régent présente en cette fin d’année 2012 le dernier volet de sa série « Sortir de son lit, en parlant d’une rivière » à la galerie contemporaine du MAMAC à Nice et dans sa galerie parisienne sous le titre « Le triangle de Vespucci ».

Pour notre plus grand plaisir, l’artiste nous entraîne encore une fois dans des espaces de divagation et d’égarement temporel qui lui sont chers.

« Sortir de son lit » est la définition du terme « divagation » dans le Littré. C’est également ce qui résume parfaitement son travail : une divagation au sein de différents territoires, matières, médiums…

Le rapport au liquide est présent de façon récurrente dans ses dessins et ses peintures.

Lors de notre entretien, il m’explique qu’il perçoit le monde d’aujourd’hui comme une société liquide avec des systèmes de communication puissants mais invisibles, un flux permanent d’images transmises par les ondes, des distances exprimées en unité de temps. L’artiste reste fasciné par les nouvelles technologies et comment elles ont bouleversé les choses. Dans ses dernières oeuvres, il s’inspire de l’imagerie spatiale, médicale et des courbes de chaleur pour réaliser ses peintures poncées « Nébuleuses ». Il utilise les codes de couleur de l’imagerie médicale et superpose les différentes teintes – comme dans une partition musicale – puis les ponce partiellement en ne laissant apparaître que des « failles colorées ». Il s’agit pour lui d’une dématérialisation de l’image tout en révélant la lumière par le dessous, et en mettant en exergue le grain de la toile comme les pixels de l’image numérique.

« Si le rapport au liquide est important dans mes oeuvres, en référence au monde contemporain, le rapport au solide, référence à la sculpture classique, est également présent. »

Au MAMAC, cette confrontation solide/liquide se manifeste dans « Le chemin de mes rondes », dessin de bord de mer et de rochers présenté au Palais de Tokyo en 2010 où la ligne d’horizon se perd dans le blanc du papier. Ce blanc préservé, comme dans un papier surexposé à la lumière, ou encore comme dans la partie non poncée des monochromes, correspond à l’espace de projection des possibles pour le spectateur.

La référence au monde classique apparaît encore dans la sculpture « Vales marineris », mur en inox, étrange, effrité avec de nombreux éclats éparpillés au sol. Encore une fois, l’artiste cherche à brouiller les pistes : s’agit-il d’une ruine de civilisation disparue, inconnue ou future ? Il utilise les nouvelles technologies et un métal lisse inaltérable et froid qui renvoie à l’art minimal, pour reproduire une des premières et plus rudimentaires constructions de l’homme !

Là encore, l’infini des possibilités de présentation des fragments du mur nous laisse imaginer l’architecture de  référence… déconstruction / reconstruction au hasard posent la question des lectures et interprétations possibles, et aussi plus généralement de la vision occidentale d’une histoire de l’art.

L’artiste porte un intérêt à la dématérialisation des images et la notion de temps et nous propose un éloge de la lenteur dans un monde toujours plus rapide. Ses « Plans sur la comète », oeuvre de 2007 présente dans de nombreuses expositions, résument parfaitement son travail et représentent les projets à venir, les dessins ratés ou restés en suspens dans un geste simple et élégant, comme la fuite d’une comète dans un espace infini…

 


Infos :

Sortir de son lit en parlant d’une rivière

Galerie contemporaine du MAMAC à Nice

Jusqu’au 27 janvier 2013

 

Le triangle de Vespucci

Galerie Bertrand Baraudou

6 rue Saint Sabin, Paris 11e

Jusqu’au 8 décembre