LES ARTISTES : DES APICULTEURS ?
Des Artistes & des Abeilles. Étonnant rapprochement pour un titre peu commun d’exposition ! En réalité, les artistes sont sensibilisés à cet insecte, dont ils utilisent la cire, parfois les ailes. Indirectement et à travers le parcours proposé, il s’agit d’une façon d’interroger l’impact environnemental sur la biodiversité du fait de la disparition annoncée et angoissante de ce pollinisateur. Ceci nous nous ramène à l’urgence de l’attention que nous devons porter à cet insecte alors que nous vivons un dysfonctionnement organique de nos sociétés.
Les expériences d’Emma Dusong, dont le fil conducteur est le vivant, donc la disparition – tout vivant s’éteignant avec le temps -, utilisent la cire à la fois protectrice et fragile pour la création de « Larmes », des masques suspendus. Ses œuvres parlent, chantent, pleurent, nous entraînant dans un univers de métamorphoses faites de disparitions et de réapparitions.
Isabelle Lévénez explore et interroge le corps, revisitant l’histoire d’un horticulteur dont la barbe était couverte d’abeilles. Dans sa vidéo « La Mariée », une femme vêtue d’une robe noire, la barbe recouverte d’abeilles mortes, a remplacé cet homme. La vidéo « Springtime » de Jeroen Eisinga parle de douleur, souffrance, mort. Dans une fascination pour les expériences extrêmes, la projection de cet artiste néerlandais relate son expérience d’être progressivement recouvert par « 150 000 abeilles » selon lui. Totalement angoissant.
Chasseur-cueilleur, passeur de lumière et de sons, Erik Samakh adopte un discours lié à l’écologie, dans une œuvre situé entre nature et technologie. Il s’est toujours intéressé aux insectes, évidemment aux abeilles qui ont pris place dans son univers naturel quotidien. Le sonore et le vivant, sujets qu’il aborde régulièrement, sont maintenant l’illustration d’un mode de vie. Selon lui « le seul fait de s’occuper d’abeilles est un acte à la fois altruiste et écologique ».
Johan Creten présente des œuvres aux allures anthropomorphiques. »Wargame Tondo I » ou Jeux de guerre oscille entre abstraction et figuration, convoquant un insecte hybride, mi mouche mi abeille. Cette séduction par la matière de l’émail captatrice de lumière ne peut éluder le contenu socio-politique et la vision que nous propose cet artiste d’un monde en pleine mutation.
Michèle Cirès-Brigand, dans un travail intuitif initié toujours à partir d’un objet, d’une histoire, explore le dessin, l’estampe, la photographies, le collage, dans une réminiscence de l’intime, du goût des histoires et du quotidien. Pour « Brassica Napsus, son dessin mêle cire d’abeille et encres de couleurs dans des larges aplats colorés.
Dans un environnement d’écrans et de tablettes, le monde n’a jamais été aussi « tactile » selon Emma Bourgin dans une communication à distance; son travail évoque cette perte et cette absence de contact. Cette rencontre est celle des matériaux entre eux, mais aussi celle du corps avec « le Sensible ». Ses écrans sont de pierre, de cire d’abeilles, de pixels, des « surfaces haptiques » appellant non seulement l’inscription de notre regard, mais aussi celle de notre corps entier. Célice Cléron travaille sur le rapport métaphorique à l’animal : taxidermie, hybridation, interventions, où l’animal devient miroir déformant. Pour sa sculpture-intervention « La Régente », elle laisse des abeilles ouvrières construire les alvéoles d’une ruche. De Michel Aubry à Evelyne Coutas ou Yves Trémorin, invités aussi, voici les approches retenues par commissaires Martine Mougin et Karin Haddad.
Par Gilles Kraemer
Infos :
Des Artistes & des Abeilles
Topographie de l’art
15 rue de Thorigny, Paris 3è
du 17 novembre au 8 janvier 2019