LES APPARENCES, ÊTRE ET PARAÎTRE À LA GRAINETERIE

Maud Cosson, directrice de la Graineterie, centre d’art de la ville de Houilles, propose pour cette rentrée, une exposition collective d’artistes uniquement féminines en réponse aux enjeux actuels de prise de conscience de discriminations faites aux femmes et d’une parole libérée sur ces sujets sensibles. La sélection volontairement non exhaustive mêle artistes confirmées ou plus émergentes selon le parti prix du centre d’art. 

Chacune d’entre elles s’engage dans une pratique du portait qui reprend l’héritage de la grande tradition picturale pour y intégrer des questions de genre et d’altérité, à travers une pluralité de mediums.

 

En introduction, Zanele Muholi artiste internationalement confirmée, dialogue avec Anne Sophie Guillet. Ainsi le triptyque « La Rochelle » (prêt du Frac Poitou Charente) et la série « Inner Self » plantent le décor des enjeux : indécision de genre dans les portraits troublants d’Anne Sophie Guillet, qui font écho au portait d’homme travesti en femme de l’artiste sud africaine, qui se définit volontiers comme une « militante visuelle » de la marginalisation.

Puis, avec « Manufrance », Valérie Mréjen, à partir d’images du catalogue de vente par correspondance des années 70, retrace la journée type d’une femme au foyer, et les injonctions qui pèsent sur sa conscience. Plasticienne, romancière et vidéaste, elle se saisit de l’introspection pour pointer malentendus et platitudes d’existences normées.

 

Randa Maroufi, jeune artiste sélectionnée par Maud Cosson pour la Biennale de la Jeune Création de 2014, à la suite de sa découverte au Salon de Montrouge avec le documentaire expérimental la « Grande Safae », témoigne de la confusion des corps dans l’espace public. A partir du récit d’un travesti employé de maison marocain, disparu mystérieusement, l’artiste interroge fantasmes et véracité des faits. Sa nouvelle série photographique s’attache à un lieu uniquement fréquenté par des hommes à la périphérie de Bruxelles, brusquement investi par des femmes.

 

Le duo d’artistes Johanna Benaïnous et Elsa Parra qui occupent tout l’espace du 1er étage, s’est imposé avec le projet au long cours « A couple of them« , où elles se mettent en scène dans des performances photographiques puisant dans le portrait mais aussi le cinéma, les séries télévisées et le narcissisme ambiant des réseaux sociaux. Dévoilant leur toute dernière série réalisée en Amérique du sud « Les Ojos Vendados », elles reprennent le même protocole, pour dresser le portrait d’une rencontre amoureuse, dans la filiation de la mise en scène de soi, telle que revendiquée par Cindy Sherman. 

Une nouvelle étape de leur travail rejoint les simulacres et avatars interrogés par les autres protagonistes de ce panorama qui, au-delà du portait, tisse les méandres de deux résistances, celle du regardeur et celle du regardé. Ainsi, d’une relative banalité première, ces pratiques troublantes révèlent rêves et espoirs, projections et métamorphoses de soi, fantasmes et réalité. Si notre monde est fait d’apparences, le portrait participe de cette construction de l’image, cette quête sans limites aussi inventive, jubilatoire que funeste. 

 

Par Marie de La Fresnaye


Infos :

Les Apparences

La Graineterie,

centre d’art de la ville de Houilles

27 rue Gabriel Péri, Houilles

jusqu’au 3 novembre