Les à-côtés de Cassandre Cecchella

Par Laetitia Toulout15 novembre 2021In Articles, 2021, Revue #27

 

Les bords d’autoroute comme terrain d’expérimentation et de figuration picturale ; voilà un espace-temps à priori ni commun ni confortable, pour créer loin de l’atelier solitaire de l’artiste ou des paysages naturels que l’on imagine, dans une vision romantique et stéréotypée de l’acte créatif. Mais ici, pour Cassandre Cecchella, ce sont justement les contraintes qui rendent intéressantes ces portions de lieux, dont elle se saisit pour une série de peintures, prosaïquement et justement intitulée Vinci.

 

Les sorties ou entrées d’autoroute donnent tout d’abord à l’artiste un cadre temporel. La peinture se termine souvent quand les conditions ne lui permettent plus de peindre, par exemple quand des agents de sécurité demandent d’évacuer les lieux. Cassandre Cecchella joue ainsi, et non sans humour, avec le cœur même de son sujet : un lieu de passage construit par essence pour aller rapidement, et donc ne pas s’arrêter. L’œuvre se fait le motif du lieu, et ce lieu participe de lui-même, par ce qu’il est, intrinsèquement et du fait de ses propres restrictions, à la finalité de l’œuvre. La représentation est générée par une sorte de protocole qui naît du sujet. Du fait des conditions liées aux bords d’autoroute, le rythme et les gestes de la peintre se doivent d’être rapides – capter, croquer, retranscrire, puis partir. C’est lors de ce dernier acte que la peinture se termine. L’artiste se refuse à d’ultimes retouches en atelier. L’œuvre est véritablement in situ et l’arrêt sur image, total et teinté d’affection.

 

Les routes, autoroutes et ponts sont habituellement dénués de toute poésie et absents de nos désirs. Ce sont les non-lieux à partir desquels on se projette, vers les lieux dans lesquels, cette fois-ci, l’on s’arrête. Des passages de transition dont le gris du goudron, les aplats de couleurs de panneaux publicitaires et les lignes blanches – telles des lignes de fuite – de la signalétique, se répètent en écho d’un tableau à un autre. Derrière ces éléments centraux qui à la fois coupent et forment le paysage, des arbres, des montagnes et les variations du ciel se font les promesses d’espace-temps véritables. Habituellement le but du voyage, ils sont ici plutôt des indices, comme des airs de rien. Cassandre Cecchella pose dans cette série un clin d’œil affectif, joyeux et respectueux à travers son point de vue choisi. Les peintures, loin d’être tristes ou mornes, éclaboussent de vives couleurs.

 

La matière transmet un sentiment global de vivacité, de générosité. A ce propos et dans d’autres séries (Club-made, Sur le chemin), l’artiste fait le choix de laisser la palette apparente à côté de la peinture. L’acte de faire s’associe au résultat. Une autre série, une autre règle du jeu : Peinture surprise est un ensemble d’œuvres recto-verso avec d’un côté une figuration, et de l’autre l’abstraction née des couches superposées.

 

D’une manière ou d’une autre, Cassandre Cecchella réfléchit à l’acte même de peindre. Le sujet ou la matière voient leurs significations et leurs présentations appuyées, dans des pas de côtés qui ne détournent pas, mais au contraire approfondissent.

 

 

 


 

Édition de 12 peintures avec l’association SMOLL le 30 novembre 2021

Fondation Espace Écureuil pour l’Art Contemporain, 3 Pl. du Capitole, Toulouse

 

Exposition collective, à partir du 9 avril 2022

L.A.C lieu d’art contemporain

1 Rue de la Berre, Sigean