Les 20 ans du Prix Marcel Duchamp

 

Depuis sa première édition en 2000, le Prix Marcel Duchamp s’est affirmé comme l’un des prix internationaux les plus importants dédiés à la création contemporaine. Un prix destiné à valoriser la scène artistique française au sens large, comme en témoigne le premier lauréat, Thomas Hirschhorn, artiste suisse vivant à Paris.

Entretien avec Gilles Fuchs, président de l’ADIAF et fondateur du Prix.

 

Gilles Fuchs, vous êtes attaché à cet esprit français que l’ADIAF défend avec passion à travers le soutien de la création de l’art contemporain. Pouvez-vous revenir sur le regard que vous y portez à travers l’association et ce Prix fêtant ses 20 ans ?

 

L’ADIAF a été créée en 1994, dans ces années 1990 difficiles pour la reconnaissance de la scène française. Au MoMA, Marcel Duchamp était exposé comme peintre américain ! Avec des amis collectionneurs, le galeriste Daniel Templon et moi-même, nous avons décidé de créer une association réunissant les acteurs de l’art en France : conservateurs, galeristes et collectionneurs.

A l’époque, j’avais côtoyé Alfred Pacquement, alors directeur du Jeu de Paume, et j’avais évoqué avec lui la création d’un prix de la scène artistique française. Après avoir été nommé directeur du MNAM au Centre Pompidou, il m’a assuré de son soutien pour le Prix Marcel Duchamp. L’exposition du lauréat au Centre, dès 2001, a affirmé notre crédibilité et notre légitimité. Depuis 2016, l’exposition du Prix est élargie aux quatre nommés. Nos soutiens ? L’Institut français pour les expositions à l’étranger, l’ADAGP, Artcurial, le Comité professionnel des galeries d’art, l’ICART. La participation au jury du Prix de directeurs d’institutions et de collectionneurs étrangers nous a aidés à présenter les artistes dans une vingtaine de pays tels le Japon, la Russie, la Chine ou l’Allemagne.

 

Comment se déroule la sélection pour le Prix Marcel Duchamp ?

 

Le comité artistique – cinq personnes et moi-même – propose une liste d’artistes français ou étrangers travaillant en France. Nos 400 collectionneurs passionnés votent pour 4 artistes, avec la possibilité de proposer d’autres noms. Une seconde liste, réunissant les artistes qui ont eu 5 voix chacun, est soumise au vote du comité de sélection de 11 collectionneurs qui choisissent les 4 nommés. Un jury international de 7 membres, dont Bernard Blistène, directeur du Musée national d’art moderne et moi-même, désigne le lauréat à qui l’on remet le trophée Marcel, imaginé avec humour par Fabrice Hyber, et la somme de 35 000 €.

 

Quelles sont les dates clefs pour l’anniversaire de ce prix de référence ?

 

Les quatre nommés sont exposés au Centre Pompidou cet automne-hiver et le lauréat y est annoncé, comme d’habitude. Dans un contexte de relance de l’activité culturelle et artistique dans ces temps dominés par le Covid 19, l’ADIAF, à titre exceptionnel, a augmenté d’un tiers son aide pour l’exposition du Prix, 10 000 € par artiste au lieu des 7 500 € initiaux.

Pour les 20 ans du Prix, les 20 lauréats – de Thomas Hirschhorn à Éric Baudelaire – sont présentés dans le parcours des collections permanentes du Musée, sous le commissariat de Nicolas Liucci-Goutnikov.

Si une dizaine d’expositions sont organisées en partenariat avec Platform dans des Frac et des musées, Libourne, Besançon, Dunkerque, Strasbourg…, celles à l’étranger sont repoussées. Un ouvrage de Bernard Marcadé, à paraître en octobre 2021, évoquera les 20 années du Prix.

 

Qui sont ces collectionneurs de l’association,  » ces forces vives et engagées « , comme vous aimez les qualifier ?

 

Leur spécificité est l’engagement doublé d’un choix collectif pour le Prix, dans un esprit critique et de curiosité. Chaque collectionneur participe à la vie de l’association par des rencontres avec des artistes, des visites d’ateliers, des voyages à la découverte de collections, d’artistes et d’expositions, des dîners-conférences. Et l’organisation des expositions De leur temps qui présentent des œuvres appartenant aux collectionneurs, témoignant de leur engagement pour la création artistique.

Durant la période de confinement en ce printemps 2020, 15 visites virtuelles d’ateliers eurent lieu, avant une reprise des visites « physiques » depuis peu. Notre activité « Émergence » s’intéresse aux jeunes artistes et collectifs d’artistes, dans une approche des parités, des diversités et des genres.

 

Les quatre nommés du Prix Marcel Duchamp 2020 sont présentés au Centre Pompidou, dans une exposition commune dont le commissariat est assuré par Sophie Duplaix.

La danse-performance est au cœur de l’œuvre d’Alice Anderson (1972), qu’elle soit « méditative ou effrénée », dans ses Danses géométriques ou ses Ritual of the Shapes. Hicham Berrada (1986) livre dans Présage un poétique « paysage peint et sculpté », reflet filmé des réactions chimiques des composants du béton. Kapwani Kiwanga (1978) avec Flowers for Africa questionne les compositions florales des cérémonies d’indépendance de pays Africains, visibles sur des photographies. Comme des « vanités », ces bouquets, voués à faner, portent à réfléchir sur le temps et l’histoire. Á travers son installation Incertains, Enrique Ramírez (1979) nous entraîne dans un voyage politique, économique et social, autour de la vie et du « futur [qui] ne cesse de se répéter, inséparable du passé. »

Le Prix Marcel Duchamp 2020 a été attribué le 19 octobre à l’artiste Kapwani Kiwanga, lors d’une cérémonie au Centre Pompidou à Paris.

 


Prix Marcel Duchamp 2020.

Alice Anderson, Hicham Berrada, Kapwani Kiwanga, Enrique Ramírez

Jusqu’au 4 janvier 2021

Centre Pompidou

 

20 ans. Le Prix Marcel Duchamp

Jusqu’à fin mars 2021

Centre Pompidou