Léo Sallez au « Relais des gourmets»

 

Depuis le mois de janvier, un nouveau centre d’art est venu enrichir le paysage culturel rémois. Sur l’un des axes principaux de la ville qui relie le centre à la gare, le local accroche l’œil curieux des badauds. L’architecture vitrée accroît l’extrême visibilité de ce lieu à vocation non plus marchande mais bien artistique. Désormais, en vitrine, c’est l’art qui se dévore mais uniquement du regard car, ici, personne n’entre. Les œuvres s’appréhendent de l’extérieur comme une invitation au lèche-vitrine, l’appel à la consommation en moins. Telles les devantures des enseignes commerciales, le display se transforme au rythme de la programmation. Chaque mois, le local dévoile une proposition inédite d’un·e artiste ou d’un collectif lié à la région Grand Est, offrant ainsi un espace d’expression à une jeune génération d’artistes qui en manque tant.

Après le déploiement des sculptures organiques de Victoria David lors de l’exposition inaugurale, cela a été au tour de Léo Sallez d’investir le local de mi-février à mi-mars. Diplômé de l’ESAD de Reims en 2018, l’artiste produit des œuvres intimement liées à la notion d’in situ, qui ne peuvent être envisagées indépendamment de leur lieu d’accueil. Il emprunte aux domaines de l’architecture et du design pour concevoir matériellement ses projets, apprenant au besoin de nouvelles techniques. Dans cette idée, Léo Sallez s’inspire toujours de l’existant, comme lorsqu’il offre une seconde existence aux ruines d’un lavoir le temps d’un parcours artistique dans le paysage organisé par Maison Vide (Bisou Bisou, Crugny, 2019) ; l’occasion par ailleurs de s’initier aux savoir-faire traditionnels de la taille de pierre et de la chaux. Auparavant, le bois, l’argile, les différents états de l’eau avaient déjà fait l’objet de ses manipulations. Ainsi l’artiste s’apparente à un expérimentateur de la matière, chaque lieu d’exposition devenant son laboratoire.

                Le projet « Relais des gourmets » pour le local ne fait pas exception. Le titre d’abord, allusion directe à la fonction antérieure de ce kiosque, est à lire comme une invitation à faire une pause culinaire. En façade, les formes expansives d’un bleu artificiel sont semblables aux étalages de friandises dans une pâtisserie. Elles ont aussi en commun un ingrédient substantiel : le sucre. L’artiste en exploite les propriétés et multiplie les meringues et effets de glaçage ensuite intégrés à une substance que les récipients de cuisine ne parviennent plus à contenir. Une recette a tempera où le sucre se mêle au blanc d’œuf et à la peinture. Toutefois, Léo Sallez n’agit pas en peintre mais bien en sculpteur. Un sculpteur de l’accidentel dont les œuvres s’apparentent davantage à des débordements incontrôlés, comme lorsque la pâte à gâteau s’échappe d’un moule trop étroit.

Les quelques tables disposées dans l’espace participent à la réminiscence d’un salon de thé. Le temps paraît suspendu, les commandes sont en attente sur les plateaux de bois. Un arrêt sur image qui n’est pas sans évoquer les tableaux-pièges de Daniel Spoerri faits de restes de repas collés et à jamais immortalisés en l’état. Mais ici est-ce que tout est vraiment figé ? À y regarder de plus près, la matière est pourtant bien vivante. Les sculptures se transforment au fil des heures et de la température : elles s’effritent, se cristallisent, se dissolvent par endroit ou encore produisent un suc translucide ailleurs. Le processus survit à l’intervention de l’artiste, révélant une exposition faite de perpétuelles micro-variations où il convient de prendre le temps de savourer, des yeux.

 

 


INFOS:

Kiosque des basses promenades, Reims

http://lelocal.net/

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