LE VIVRE ENSEMBLE DE PERSONA GRATA

Par Gilles Kraemer10 octobre 2018In Articles, 2018, Revue #20

Deux lieux. Le MAC VAL à Vitry-sur-Seine dans le Val-de-Marne et le musée national de l’histoire de l’immigration à Paris, au bord du périphérique, tel un trait d’union entre ces deux lieux. A travers le prisme des œuvres des collections de ces deux institutions, Persona grata examine les notions, manifestations et contradictions actuelles, construisant ou bousculant les notions d’accueil, d’hospitalité et d’altérité selon le regard de nombreux artistes qui s’en sont emparés.

Telle une démonstration forte, la photographie de l’intervention de la coopérative artistique Société Réaliste avec U.N. Camouflage (2012), sur la passerelle Solférino unissant le jardin des Tuileries au quai d’Orsay, qu’elle avait couverte de 139 drapeaux des États membres des Nations Unis convertis en motifs floraux. Ou celle de la photographie de Kimsooja, Bottari-truck – Migrateurs (2007-2009), représentant une femme assise dans une voiture sur des ballots de différentes couleurs, remontant une des avenues vers la place de la Bastille. L’on aperçoit au fond la colonne de Juillet, surmontée de la statue du Génie de la liberté rompant ses chaînes. Toute une symbolique dans ces deux images, celle de la traversée des mers ou des montagnes pour trouver la liberté.

Ces institutions – un musée de société qui valorise la création contemporaine et un musée d’art contemporain qui questionne les phénomènes de société – proposent cette double exposition à environ 70 artistes de la scène contemporaine française. Avec les œuvres de Latifa Echakhch à Pierre Huyghe, de Laure Prouvost à Judit Reigl, d’Anri Sala à Chiharu Shiota ou à Barthélémy Toguo au MNHI. Avec les œuvres d’Eduardo Arroyo à Pierre Buraglio ou Mircea Cantor, de Mona Hatoum à Bouchra Khalili, de Claude Lévêque à Yan Pei-Ming, de Djamel Tatah à Sabine Weiss au MAC VAL.

De nombreuses œuvres dévoilent des frontières métaphoriques et dessinent une cartographie, nécessairement partielle, des zones et groupes humains les plus sensibles : hangars de Sangatte, jungle de Calais, enclave de Melilla, archipel des Comores, populations nomades ostracisées, Harragas ou migrants du Maghreb, artistes en exil.

Elles évoquent les sources de l’hospitalité, rappellent sa mise en œuvre sur le territoire au cours du XXe siècle, convoquent des images liées à l’impératif du départ, au péril du déplacement, aux formes incarnées du déracinement.

L’accélération des flux migratoires et le poids grandissant de ces enjeux dans le débat public interrogent les fondements de nos sociétés. D’un côté, camps et murs se multiplient, opérant un renversement irréversible du devoir d’hospitalité, alors que simultanément une mobilisation citoyenne s’amplifie pour accompagner, soutenir et accueillir les migrants.

La question centrale des flux migratoires n’évince pas d’autres formes d’hospitalité négligées pour les populations fragilisées, démunies. Autant de propositions sur le vivre ensemble, l’attention à l’autre, raison d’être des hospices, des centres d’accueil. Autant de vecteurs d’interpellation, de réflexion, de questionnement des certitudes, dans le but d’en débattre ensemble, selon les commissaires Anne-Laure Flacelière, Isabelle Renard et Ingrid Jurzak.

 

Par Gilles Kraemer


Infos :

Persona grata

MAC VAL – Musée d’art contemporain du Val-de-Marne – Vitry-sur-Seine

Musée national de l’histoire de l’immigration – Palais de la Porte Dorée – Paris 12è

du 16 octobre au 20 janvier 2019