Le Nouveau Printemps de Toulouse.

 

 

Si le cinéaste et auteur Alain Guiraudie développe une esthétique singulière, qu’en est-il de sa transposition dans un festival d’art contemporain ? C’est tout l’enjeu de cette invitation pour le Nouveau Printemps désormais annuel, après une première édition confiée à la designer matali crasset.

Un futur entre utopie et désenchantement porté par une vingtaine d’artistes dans le quartier historique des Carmes/Saint Etienne, selon la nouvelle formule. Parmi les propositions marquantes l’exposition collective de Stéphanie Moisdon (le Consortium de Dijon) au Musée des arts précieux Paul-Dupuy, réceptacle des fantasmes de l’artiste et militant Tom de Pekin, l’auteur fétiche de l’affiche de l’Inconnu du lac (jeune public s’abstenir), les ruines ancrées de Jennifer Caubet dans le prolongement de sa résidence aux Arques, les univers festifs des discothèques des années 1970 recréés par Tony Regazzoni dans l’Hôtel Saint Jean/ Drac Occitanie « Bande Organisée », la survivance des accusations anonymes à partir de la tradition moyenâgeuse des Capitouls placardées dans les rues et aujourd’hui incarnées par les réseaux sociaux par Karelle Ménine dans la Crypte du Palais de Justice, le film d’Alice Brygo et Louise Hallou les Oracles (Hôtel de Bruée) et l’installation d’une grande force de Pablo Valbuena qui peuple le Monument à la gloire de la résistance de voix et fantômes agissants. Le Parking des Carmes agit comme une sorte de tour de contrôle du festival créant un paysage instable entre l’installation de Neïl Beloufa, qui engage le public dans une aventure aux confins du conte de fées et de l’IA, et l’antenne électromagnétique de Mimosa Échard.

Eugénie Lefebvre, désormais Présidente du Nouveau Printemps, revient sur le défi que représentait la transformation du festival à l’échelle d’un quartier et les convictions qu’il porte en matière de durabilité et d’inclusivité. Si le budget a été réduit de moitié, l’inspiration reste intacte avec la fidélité de nombreux partenaires engagés.

Marie de la Fresnaye : Quel est l’ADN du Nouveau Printemps ?

Eugénie Lefebvre : L’ADN a été de repartir de l’histoire et de la renommée du Printemps de septembre qui s’inscrivait dans la ville de Toulouse depuis 20 ans et dix avant dans la ville de Cahors avec l’idée de se demander ce qu’est de réinventer le festival en 2023, bien loin du geste initial de 1991 de Mathé Perrin, fondatrice des deux festivals. Comment être davantage en prise avec les enjeux d’aujourd’hui et l’ensemble de mutations qu’elles soient environnementales, écologiques, urbaines, sociales, sociétales et comment on repense le rôle des artistes comme agents de ces mutations. Un festival repensé à une échelle de vie et de ville qui soit la plus cohérente possible. Nous sommes arrivés à ce Nouveau Printemps avec plusieurs convictions.

D’une part le fait de rendre le festival annuel après plusieurs années de biennales, de condenser l’expérience du visiteur à l’échelle d’un quartier et d’être dans cette échelle qui est celle du quotidien en venant mailler tout le territoire du quartier avec les usagers, les commerçants, les associations, les écoles… et l’idée d’inviter non plus un commissaire d’exposition mais un artiste associé représentant un champ de la création assez large.

L’année dernière, nous avons commencé avec la designer matali crasset, cette année c’est le champ du cinéma et de la littérature avec Alain Guiraudie, et les prochains artistes associés pourront venir du champ de la musique, de la littérature, de la recherche… En demandant à un artiste de poser son regard sur le quartier et d’inviter à son tour une quinzaine d’artistes à venir concevoir des œuvres pour le festival. Dernière conviction : l’idée de penser un festival durable, responsable, inclusif, en intégrant dans nos manières de faire ces questions d’un festival ouvert à tous les publics qu’ils soient de différents champs sociaux, en situation de handicap, (dyslexie  avec le dispositif FALC..) mais aussi le plus durable possible de construire des scénographiques avec des matériaux issus du réemploi et de sources durables, également en ce qui concerne la production d’une œuvre avec Jennifer Caubet qui est partie de déchets d’un chantier de démolition d’un ancien siège social d’Airbus.

MdF : Quel est votre budget ?

EL : Cela a beaucoup bougé. Quand le festival du Printemps de septembre s’est terminé en 2021 avec l’exposition des 30 ans, la Mairie de Toulouse a annoncé une réduction de moitié du budget, ce qui correspondait à 80% du financement. Nous avons gardé malgré tout, la conviction de rendre le festival annuel. Cela a forcé l’innovation et la créativité.

MdF : Quel engagement des mécènes ?

EL : Nous avons un mécène historique qui est la Fondation Cartier pour l’art contemporain qui a continué de nous accompagner, ce qui est le cas de tous les autres dans une réelle fidélité. Cela nous oblige tous les ans à aller chercher des partenaires complémentaires, qu’ils soient privés, des fondations, des entreprises mais aussi beaucoup de partenariats en compétence et en nature pour nous aider dans la réalisation d’un certain nombre de projets.

MdF : Comment s’est fait le choix des artistes avec Alain Guiraudie ?

EL : L’idée est d’instaurer un dialogue et il est certain qu’en fonction de l’artiste associé c’est différent. Matali crasset était arrivée l’année dernière avec une idée très précise engageant une communauté d’artistes autour d’elle, cette année avec Alain nous sommes plus dans un dialogue avec la précédente directrice artistique Anne-Laure Béloc et Clément Postec qui a rejoint la direction artistique en cours de montage. Des artistes qu’Alain avait tout de suite en tête, d’autres qu’il ne connaissait pas et des artistes proposés par le festival en réponse aux enjeux qu’il avait envie de porter entre utopie et dystopie, entre fantasme et désenchantement.

Nous réunissons une vingtaine d’artistes, certains répondant à des productions spécifiques, d’autres à des projets de diffusion, et nous proposons aussi une exposition collective sous le commissariat de Stéphanie Moisdon, directrice du Consortium, au Musée des arts précieux Paul Dupuy.

Interview d’Eugénie Lefebvre réalisée par Marie de la Fresnaye

 

Infos pratiques :

Le Nouveau Printemps, Toulouse

Une édition imaginée par Alain Guiraudie

Jusqu’au 30 juin 2024

L’ensemble des lieux ouverts du mercredi au vendredi de 13h à 19h et le weekend de 11h à 19h.